Coopération Sino-Malienne : Des activités illicites d’opérateurs chinois qui coûtent au Mali plus que les milliards déversés sur le pays par Beijing

Si l’on s’en tient aux déclarations officielles, la moisson du Mali au 9e Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC, du 4 au 6 septembre 2024 à Beijing) a été très fructueuse. L’hôte Xi Jinping a été très généreux en offrant à notre pays 22 milliards de francs Cfa sans compensation et en réchauffant des projets […]

Coopération Sino-Malienne :   Des activités illicites d’opérateurs chinois qui coûtent au Mali plus que les milliards déversés sur le pays par Beijing
   maliweb.net
Si l’on s’en tient aux déclarations officielles, la moisson du Mali au 9e Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC, du 4 au 6 septembre 2024 à Beijing) a été très fructueuse. L’hôte Xi Jinping a été très généreux en offrant à notre pays 22 milliards de francs Cfa sans compensation et en réchauffant des projets en souffrance d’une valeur de 25 milliards de francs Cfa. Mieux, il a été décidé de porter la coopération entre Bamako et Beijing à un «niveau stratégique». Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soit, à condition que cela intègre enfin les questions qui fâchent comme l’exploitation abusive des richesses du pays (or, bois…) avec ses conséquences désastreuses sur l’environnement. «Je propose de porter les relations sino-maliennes au niveau de partenariat stratégique pour continuer de faire valoir l’amitié traditionnelle et d’écrire ensemble des nouveaux chapitres dans les annales de la solidarité de la coopération sino-malienne» ! Tel est le souhait exprimé par Xi Jinping en recevant le président de la Transition, Colonel Assimi Goïta, à Beijing le 2 septembre 2024. Une offre qui ne surprend pas d’autant plus que la coopération Sino-malienne a atteint un niveau appréciable dans des domaines clés comme la Santé, l’Éducation, l’Agriculture, les infrastructures… et aujourd’hui la Défense et la Sécurité. A défaut du transfert des technologies pouvant réellement booster le développement économique du pays,  le Mali continue de bénéficier de l’appui de la Chine sous diverses formes. Mieux, a déclaré le Colonel Goïta, «nous partageons les mêmes principes et les mêmes valeurs avec la République populaire de Chine, à savoir le respect de la souveraineté de nos États, la défense des intérêts de nos peuples, la non-ingérence dans les affaires intérieures, mais surtout le rejet de la manipulation liée aux questions des droits de l’Homme». «Les principes que nous partageons forment les fondations d’une amitié durable et mutuellement bénéfique», a déclaré le président Xi Jinping. Il a aussi promis que la Chine continuera à soutenir le Mali dans son développement en respectant strictement sa souveraineté et ses priorités nationales. En décidant de porter leurs relations au niveau de «partenariat stratégique», Bamako et Beijing ont décidé d’écrire «une nouvelle page historique dans les annales de la coopération sino-malienne». Mais, cela ne doit plus se faire au détriment des questions qui fâchent et qui peuvent annihiler les effets du soutien de la Chine au Mali pour son développement. C’est par exemple le cas du comportement révoltant des ressortissants de l’Empire du milieu coupables d’exploitation abusive des richesses du pays (or, bois) et des dégâts monstrueux sur notre environnement. Le cas de l’orpaillage dans la région de Kayes est assez illustratif de cette situation qui se heurte au silence des autorités des deux pays.   Une exploitation frauduleuse de l’or déguisée en orpaillage Des économistes et des lanceurs d’alerte ne cessent pourtant de les interpeller avec des films sur la dévastation de la faune et de la flore par des étrangers (Chinois immigrés) qui exploitent illicitement et illégalement des sites, notamment dans la zone de Kéniéba. Si l’orpaillage est une pratique millénaire dans  notre pays,  des individus de nationalité chinoise se sont intéressés au secteur à partir des années 2010. «Ces nationaux chinois sont venus chercher fortune au Mali de la même manière que des centaines de milliers de Maliens sont partis chercher fortune dans le monde depuis les premières heures de l’indépendance du pays…», a souligné un expert lors d’un colloque organisé en juillet 2023 sur l’exploitation judicieuse des richesses du Mali. Malheureusement sous couvert d’exploitation artisanale, a-t-il déploré, «ces opérateurs chinois font de l’exploitation industrielle impliquant des équipements lourds. Ils ne disposent d’aucun document légal qui les autorise à pratiquer leur activité et causent des dégâts environnementaux incommensurables». Ils  sont en effet dotés d’équipements qui causent des dégâts énormes à l’environnement. Sur des centaines de sites, selon de nombreux témoignages, «toute la journée et tous les jours de la semaine, des machines excavent, concassent, tamisent le minerai d’or auquel est ajouté des substances interdites d’utilisation (mercure ou cyanure) pour produire de l’or brut. L’Etat du Mali ne s’est jamais donné les moyens d’avoir des informations de base sur cette activité délétère». Pis, il n’y a aucune statistique sur le nombre de sites déjà exploités et abandonnés. En effet, dès que les entrepreneurs chinois épuisent un site, ils le laissent en l’état pour s’attaquer à un autre. Les eaux polluées du site abandonné ne sont pas du tout traitées. Pas plus que les boues issues du traitement du minerai. L’environnement dévasté par les entrepreneurs chinois est laissé en l’état. Le gouvernement du Mali (l’actuel comme ceux qui se sont succédé à la tête du pays depuis une décennie) n’est pas capable de donner le nombre de sites déjà exploités, les quantités d’or qui y ont été extraites, les impacts économiques, sanitaires et environnementaux de l’activité des prédateurs, pardon, des entrepreneurs chinois. Au change, c’est le Mali qui est perdant. Nous écrivions récemment que, de 2012 à 2021, moins de 1 % des exportations issues de l’orpaillage (un secteur où ces Chinois règnent aujourd’hui sans partage) a été déclaré… Pour la seule année 2021, environ 127 tonnes d’or pour une valeur monétaire d’environ 4 062 milliards de F Cfa du Mali ont été exportées vers Dubaï. Ces exportations illégales ont entraîné une perte financière d’environ 990 milliards de F Cfa en 2021 et 3 408 milliards de F Cfa sur la période 2012-2021. Sans compter les conséquences écologiques dont l’impact est inestimable et va être répercuté sur plusieurs générations dans ces zones. De nos jours, il est presque impossible de pratiquer la pêche dans le Falémé ou de pratiquer l’élevage et l’agriculture dans cette zone à cause des Chinois qui sont aujourd’hui les vrais acteurs de l’orpaillage sauvage dans notre pays. Certes, il ne s’agit donc pas de Chinois qui travaillent officiellement pour la République Populaire de Chine ni d’ailleurs avec son aval. Tout comme les autorités (administrateurs, élus, services techniques) et les notabilités locales sont aussi complices de cette exploitation abusive. Mais, il faut être vraiment naïfs pour croire que la Chine ne sait pas ce que font certains de ses ressortissants dans notre pays. Tout comme les autorités maliennes d’ailleurs. Le «partenariat stratégique» peut-il combler l’impact de ce cataclysme économique et environnemental qui ne cesse de s’amplifier ? Peut-on ou doit-on écrire une «nouvelle page historique» de la coopération sino-malienne en faisant fi de cette situation calamiteuse voire périlleuse pour l’avenir des futures générations de Maliens ? Ce qui est sûr, c’est que l’exploitation et la commercialisation de ses richesses est l’un de domaines où doit s’exprimer et s’assumer la souveraineté nationale d’un pays ! Hamady Tamba   Une générosité à la hauteur de l’importance géo-économique de l’Afrique Trente mille milliards de francs Cfa pour couvrir dix plans d’action de partenariat au cours des trois prochaines années afin de promouvoir la modernisation dans les Etats africains ! Telle est la généreuse annonce faite le 5 septembre 2024 par le président Xi Jinping de la Chine. C’était à l’ouverture à Pékin du 9e sommet 2024 du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC). «La Chine et l’Afrique représentent un tiers de la population mondiale. Il n’y aura pas de modernisation mondiale sans modernisation de la Chine et de l’Afrique», a affirmé le président chinois  dans son discours inaugural. Selon le président Xi Jinping, l’appui financier de 30 000 milliards de F CFA couvrira les dix plans d’action de partenariat dans les domaines de l’apprentissage mutuel entre les civilisations, de la prospérité du commerce, de la coopération sur la chaîne industrielle, de la connectivité, de la coopération au développement, de la santé, de l’agriculture et des moyens de subsistance, des échanges culturels et entre les personnes, du développement vert et de la sécurité commune. Il a aussi rappelé que la vision chinoise du développement du continent repose sur trois axes que sont l’industrialisation, la modernisation de l’agriculture et le développement des talents. Le dirigeant de l’Empire du milieu a affirmé dans son discours qu’après sept décennies d’efforts assidus, les relations sino-africaines se trouvent aujourd’hui dans la meilleure période de l’histoire. Dans le domaine sécuritaire, la Chine va fournir à l’Afrique des aides militaires sans contrepartie à hauteur de 89,9 milliards de F CFA. Aussi, prévoit-elle de former 6 000 professionnels militaires et 1 000 agents de police. Il est envisagé d’inviter 500 jeunes officiers africains à visiter la Chine, des exercices, des patrouilles et des entraînements conjoints entre les armées africaines et chinoise et la mise en place des actions de déminage pour préserver la vie des populations et sécuriser les projets. Selon l’agence nationale de presse Xinhua, en 2023, la Chine est devenue le partenaire commercial le plus important de l’Afrique sur quinze années consécutives, avec une augmentation rapide du volume des importations et des exportations. Et selon les dernières données de l’Administration générale des douanes (AGD) de Chine publiées lundi 2 septembre 2024, le commerce entre la Chine et l’Afrique a augmenté de 5,5 % en glissement annuel à 1 190 milliards de yuans (166,6 milliards de dollars) de janvier à juillet 2024, soit un record historique pour la même période. De 2000 à 2023, les échanges commerciaux ont progressé de moins de 100 milliards de yuans (environ 14,08 milliards de dollars) à 1 980 milliards de yuans, avec un taux de croissance annuel moyen de 17,2 %, selon la douane chinoise. Les exportations chinoises de navires, d’automobiles et de turbines éoliennes vers l’Afrique ont respectivement augmenté de 44,8 %, 35,8 % et 253,1 % en base annuelle au cours de la même période. Dans le même temps, les importations chinoises de sésame, de tabac jaune et de noix de macadamia en provenance d’Afrique ont respectivement augmenté de 38,8 %, 32,7 % et 106,2 % par rapport à l’année précédente. Comme quoi, l’Empire du milieu continue d’étendre son influence sur le continent africain dont l’importance géopolitique et géostratégique ne cesse de croître ! H.T