Document – Amendement portant interprétation de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie Amendement Amadou Bâ 2

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Document – Amendement portant interprétation de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie Amendement Amadou Bâ 2
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La plénière de l’Assemblée va se pencher, ce mardi, sur la proposition interprétative de la loi d’amnistie du 13 mars 2024 soumise par le député Amadou Bâ 2. Avec sa majorité mécanique, Pastef, qui parraine cette proposition, devrait passer sans soucis. En dépit des pressions des membres de la Société civile, des partis de l’opposition et des appels à manifester pour une abrogation totale de la controversée loi d’amnistie ? Voici l’intégralité de l’Amendement à la proposition de loi portant interprétation de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie. EXPOSE DES MOTIFS «La présentation de la proposition de loi portant interprétation de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie vise à mettre fin à toute controverse sur son champ d’application. Comme l’a si bien rappelé la Cour suprême française dans plusieurs de ses arrêts : «Une loi ne peut être considérée comme interprétative qu’autant qu’elle se borne à reconnaître, sans rien innover, un droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptible de controverses.» (Cour de cassation, Chambre civile 3, du 27 février 2002, 00-17.902 ; Cour de cassation, Chambre commerciale, du 2 octobre 2001, 98-19.681) Le Conseil constitutionnel du Benin en a clarifié les caractéristiques principales en considérant : «Le caractère interprétatif est conféré à une loi lorsque, de la part du législateur, celle-ci est destinée à clarifier la loi interprétée par des dispositions d’éclaircissement qui s’y incorporent ; qu’en tant que telle, elle ne constitue pas une nouvelle loi et, par sa nature, prend corps avec la loi interprétée, quand bien même le législateur a le pouvoir d’en aménager l’effet rétroactif.» (Décision DCC 20-488 du 04 juin 2020) C’est ce qui justifie l’introduction de cet amendement à la proposition de loi portant interprétation de la loi portant amnistie précitée afin de circonscrire avec plus de précision son champ d’application. ll est, en effet, utile de rappeler que le but originel de la proposition de loi interprétative était de lever toutes les équivoques et controverses sur les catégories d’infractions couvertes par la loi d’amnistie à la suite d’une rédaction ambiguë et obscure, très éloignée du rapport fait en Commission des lois lors de la présentation du projet de loi portant amnistie, de l’évolution des normes de Droit international relatives à la protection des droits de l’Homme, de leur interprétation par les instances des Nations unies et de la jurisprudence des juridictions régionales et internationales de protection des droits de l’Homme sur le champ d’application desdites lois d’amnistie. Il est tout aussi important de rappeler que lors de l’examen du projet de loi portant amnistie par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, il était expressément noté dans le rapport : «S’agissant de la question se rapportant aux cas de tortures ou de traitements dégradants, Madame Aïssata Tall Sall, Garde des sceaux, ministre de la Justice, indiquera que ces actes sont bannis et exclus du champ d’application de cette loi. Sous ce rapport, elle fera noter que des sanctions seront prononcées s’il existe des preuves les attestant.» Toutefois, une pareille exclusion des actes de torture du champ d’application de la loi portant amnistie ne se retrouve absolument pas dans la loi d’amnistie effectivement votée et promulguée. Cela pourrait laisser croire que la loi d’amnistie couvre toutes les infractions criminelles et correctionnelles, quelles qu’elles soient, dont les actes de torture, dès lors qu’ils se rapportent à des manifestations politiques ou ont une motivation politique durant la période considérée. Cette possible interprétation du caractère illimité du champ d’application des infractions couvertes par la loi d’amnistie contreviendrait manifestement aux engagements internationaux du Sénégal au travers des divers instruments de protection des droits de l’Homme qu’il a ratifiés, et engagerait sa responsabilité internationale devant les juridictions régionales et internationales qui ont, par une jurisprudence abondante et constante, posé des limites matérielles fortes à la compétence du législateur d’amnistier toutes les catégories d’infractions. De façon concordante, la Cour de justice de la Cedeao, la Cour européenne des Droits de l’Homme et la Cour interaméricaine des droits de l’Homme ont considéré comme tyrannique et abusive, au regard du Droit international, toute interprétation des lois d’amnistie aux fins de leur conférer le pouvoir de couvrir les violations graves des droits fondamentaux. A titre illustratif, en matière de crimes de torture, le Sénégal a ratifié divers instruments juridiques internationaux qui érigent leur interdiction en prohibition impérative. C’est le cas, notamment, de l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Au demeurant, la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a institué le principe de la compétence universelle pour permettre à chaque Etat partie de poursuivre les auteurs des actes de torture commis hors de son territoire. Dans le même sillage, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a jugé : «En raison de l’importance des valeurs qu’il protège, ce principe [interdisant la torture] est devenu une norme impérative ou jus cogens, c’est-à-dire une norme qui se situe dans la hiérarchie internationale à un rang plus élevé que le droit conventionnel et même que les règles du droit coutumier» «ordinaire.» (Procureur c. Furundzija, 10 décembre 1998, paragraphe 153) Au surplus, le Comité contre la torture considère que «l’amnistie est généralement incompatible avec le devoir qu’ont les Etats d’enquêter sur de tels actes, de garantir la protection contre de tels actes dans leur juridiction et de veiller à ce qu’ils ne se reproduisent pas à l’avenir. Les Etats ne peuvent priver les particuliers du droit à un recours utile, y compris le droit à une indemnisation et à la réadaptation la plus complète possible» (Compilation des observations générales et recommandations générales adoptées par les organes de traités, Un Doc. HRI/GEN/1/Rev.1 (1994), p. 30). Dans les pays traversés par des conflits armés, les lois d’amnistie subséquentes ont intégré l’exclusion de certaines infractions constitutives de violations graves des droits fondamentaux. Ainsi, en Côte d’Ivoire (art. 4 de la Loi n°2003-309 du 8 août 2003 portant amnistie), comme en République démocratique du Congo (Art. 4 de la Loi n°014/006 du 11 février 2014 portant amnistie pour faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions politiques), les lois d’amnistie ont exclu de leur champ les crimes contre l’humanité, les infractions de torture, de traitements inhumains, cruels et dégradants, les violations graves, massives et caractérisées des droits humains. Ainsi, les juridictions internationales formulent de fortes réserves sur toute loi d’amnistie adoptée avant ou sans investigation, jugement et condamnation des auteurs des atteintes et violations graves des droits fondamentaux (Cedh Ely Ould Dah contre la France, n°13113/03, 17 mars 2009). Les victimes de violations graves des droits fondamentaux se voient aujourd’hui reconnaitre un irréfragable droit à la vérité dont l’obligation minimale se traduit concrètement «par le devoir des autorités étatiques de mener des enquêtes et investigations relativement aux faits et événements en cause, et à assurer sinon une publication des résultats de la recherche, du moins le libre accès à ceux-ci» (Affaire N°ECWICCJIAPP/25/13, les ayants droit Ibrahim Mainassara Bare contre République du Niger, paragraphe 53). Par conséquent, amnistier les actes de torture et autres atteintes graves des droits de l’Homme durant la période comprise entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 par la loi n°2024-09 du 13 mars 2024, engage non seulement la responsabilité internationale du Sénégal, mais également expose leurs auteurs à des poursuites par des Etats étrangers au titre de la compétence universelle. Par ailleurs, annoncé dans le rapport de la Commission des lois lors de l’examen du projet de loi au travers d’une Commission d’indemnisation, le droit à réparation des victimes, en l’absence de toute consécration expresse, n’est que sous-entendu dans le texte. C’est pourquoi la proposition de loi interprétative a souhaité lui redonner une base légale exempte de controverse. D’ailleurs, pour la Cour de justice de la Cedeao, les lois d’amnistie ne sauraient, sous peine d’invalidation, méconnaitre le droit des victimes à une juste et équitable réparation. Pour la Cour, «il serait en effet inique d’ignorer complétement la situation des personnes ayant souffert des événements en cause, sous prétexte que les autorités étatiques auraient décrété que ces événements sont rayés d’un trait de plume, ou sont, en fait, censés n’avoir jamais existé. Pour la Cour, l’amnistie ne justifie pas l’inertie, et le respect du droit des victimes n’est pas incompatible avec la nécessité de la réconciliation sociale». (Affaire les ayants droit Ibrahim Mainassara Bare contre République du Niger, Op.cit., paragraphe 58). En somme, les obligations internationales du Sénégal en matière de protection des droits de l’Homme et l’évolution récente de la jurisprudence internationale sur la circonscription du champ d’application des lois d’amnistie imposent au législateur de circonscrire le champ d’application de la loi en la restreignant aux seules infractions qui répondent à une motivation politique ou celles commises en lien avec l’exercice d’un droit démocratique. Ainsi, la volonté du législateur ne saurait être de laisser impunies des infractions graves qui ne se rattachent à l’exercice d’aucune liberté publique ou d’un droit démocratique. C’est le cas, notamment, des actes de torture, des assassinats, des meurtres, des actes de barbarie, des disparitions forcées et des traitements inhumains, cruels ou dégradants. Il est tout aussi évident que le législateur n’a pas entendu faire obstacle aux droits des victimes à une réparation intégrale. L’article 3 de la loi d’amnistie prévoyait la possibilité pour les victimes de mettre en œuvre la contrainte par corps, en instituant un mécanisme de réparation sans en poser clairement le principe. Cette loi interprétative, sans rien rajouter au texte, est venue en préciser le sens et la portée, dans l’intérêt des victimes. En outre, l’amendement proposé à la proposition de loi portant interprétation de la loi portant d’amnistie supprime du texte l’énumération des articles non directement concernés et ne laisse ainsi subsister que l’interprétation des articles 1 et 3 de la loi portant amnistie. Telle est l’économie du présent amendement à la proposition portant interprétation de la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024. AMENDEMENTS Article premier.- Le titre de la proposition de loi est modifié ainsi qu’il suit : «Proposition de loi portant interprétation de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie.» Article 2.- La présente proposition de loi ne comporte plus que les dispositions à interpréter, à savoir l’article premier et l’article 3. «Article premier.- Au sens de l’article 1er de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie, les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle ayant une motivation politique ou se rapportant à des manifestations s’entendent de faits liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique, que leurs auteurs aient été jugés ou non. Au sens de l’article 1er de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie, sont exclus du champ de l’amnistie, les faits survenus entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, sans lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique et qualifiés, notamment, d’assassinat, de meurtre, de crime de torture, d’actes de barbarie, de traitements inhumains, cruels ou dégradants, même si ces faits se rapportent à des manifestations, quelle qu’en soit la motivation et indifféremment de leurs auteurs. Article 3.- Au sens de l’article 3 de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024, l’amnistie ne préjudicie ni aux droits des tiers ni aux droits des victimes à une réparation intégrale». Article 3.- Les articles 2, 5 et 6 sont supprimés du texte de la proposition de loi portant interprétation.» L’article Document – Amendement portant interprétation de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie Amendement Amadou Bâ 2 est apparu en premier sur Lequotidien - Journal d'information Générale.