En marge de sa participation à une pièce de théâtre au centre culturel de Beni Mellal, Miloud El Habachi nous fait part de ses pensées sur son long parcours artistique, de ses expériences dans le domaine de l’art dramatique tout en mettant l’accent sur un ensemble de conseils qu’il prodigue aux jeunes artistes en herbe.
ALM : Parlez-nous de votre long parcours artistique dans le domaine du théâtre ?
Miloud El Habachi : Au début des années soixante, nous étions à l’école primaire à Casablanca. Nous avions l’habitude de participer aux festivités de la glorieuse Fête de l’Indépendance en répétant des poèmes patriotiques, des chants… A la maison des jeunes, à Derb Ghallaf, on avait formé une troupe de théâtre en 1968-1969. Par la suite,nous avions rejoint l’Institut municipal où des professeurs chevronnés dispensaient des cours comme feu Ahmed Taib Laalej, Farid Ben Mbarek, … En 1968 on avait formé deux équipes de théâtre : troupe Al Aarays et Taaouide. Âgés de 14 à 15 ans, nous étions dynamiques et d’une grande volonté d’aller de l’avant dans le domaine de l’art dramatique.
En présence de Mohamed Belahcen qui était auteur et juge, nous avions l’habitude de présenter des pièces de théâtre à la maison des jeunes. Mais lorsque nous avions rejoint l’Institut, tout avait changé. Ainsi, nous avions mis l’accent sur les cours et le théâtre amateur qui était à son apogée. Diplômés de l’institut précité, nous avions rejoint officiellement la troupe de feu Tayeb Seddiki en 1975 avec Hamid Roudane, Bouchaib Tali, Mohamed Kafi… Grâce à la troupe de Seddiki, nous avions acquis tellement d’expériences que nous sommes devenus de vrais professionnels. Et c’est à ce moment-là que nous sommes arrivés à former notre propre troupe de théâtre.
Et le cinéma et la télévision ?
Pendant les années où nous étions à la maison des jeunes, j’avais une caméra 8.000m avec laquelle on tournait des films muets. Chaque jour, nous allions à Derb Ghallef pour voir des films dans des salles de cinéma. Ainsi, on avait tenté de tourner un film avec feu Mohamed Osfor mais notre projet n’a pas été réalisé. Heureusement, j’ai réussi à tourner quelques courts métrages et d’autres films car j’avais aussi une grande passion pour le cinéma et la télévision. Le dernier film que j’ai tourné pour la première chaîne était Une vie dans la boue avec feue Naima Lamcharqui, Khouyi …, c’était en 2011-2012.
Qu’en est-il du théâtre au Maroc ?
Le théâtre au Maroc se porte bien. Autrefois, on comptait seulement sur nous-mêmes, on n’avait aucun soutien. On faisait des tournées à travers le Maroc pour présenter nos pièces de théâtre mais on avait un grand nombre de contraintes. Aujourd’hui, nos conditions se sont améliorées grâce à l’appui du ministère de la culture et les artistes affirment que l’art dramatique a réalisé d’énormes progrès.
Parmi les objectifs de l’art dramatique, celui de sensibiliser, transmettre des messages et rassembler les gens. Selon vous, et d’après vos 60 ans d’expérience dans le domaine de l’art dramatique, quels conseils pourriez-vous donner aux artistes en herbe pour qu’ils aillent de l’avant ?
De nos jours, il y a un grand nombre de jeunes artistes qui déploient des efforts louables pour aller de l’avant dans le domaine du théâtre. Pour moi, il n’existe pas d’acteurs ou d’artistes dont les rôles laissent beaucoup à désirer, c’est un jugement subjectif et arbitraire. Ainsi, il suffit d’être curieux, de faire des recherches, de participer à des formations et à des stages pour exceller au théâtre, au cinéma ou à la télévision. En outre, il faut profiter des expériences des artistes chevronnés, écouter et respecter leurs conseils…Dans le domaine du théâtre, le passé a des sagesses qu’on doit retenir mais le futur nous invite à être au diapason des changements qui bouleversent le monde.
Et bien que j’aie un grand nombre d’expériences, je dois respecter et prendre en considération la passion, le goût… des artistes en herbe qui représentent la nouvelle génération de la modernité, de la numérisation et des nouvelles technologies. Il faut qu’on aide ces jeunes à réaliser les objectifs escomptés tout en leur prodiguant nos conseils au lieu de les contrarier sous prétexte qu’ils ne sont pas encore mûrs et qu’ils n’ont pas encore acquis d’expériences. J’aime innover et créer. Tout ce qui est réaliste et symbolique me subjugue parce que j’arrive à satisfaire tous les goûts du public. Le théâtre est le père des arts et le père doit avoir de bonnes qualités, tolérant, vertueux, pitoyable… envers sa famille. Et quand on décide de critiquer un cinéaste, un homme de théâtre… il serait préférable d’être respectueux envers la personne en question loin de toute critique acerbe et gratuite.
Les bonnes qualités sont la pierre angulaire de toute réussite. Etre un excellent homme de théâtre exige qu’on soit sage et opiniâtre parce que ce n’est pas l’histoire, le monologue, l’aparté, le quiproquo ou le soliloque qui donne naissance à une excellente pièce de théâtre, c’est le «je» de l’acteur ou de l’artiste qui transforme la scène et son décor en une réalité-fiction où la mímêsis galvanise les spectateurs. Le théâtre est une école de moralité et de bienveillance.