Au lieu du dénouement attendu avec impatience par l’opinion, le procès emblématique de la lutte contre l’impunité a plutôt manqué de justesse de s’achever en queue de poisson. Avec la soudaine suspension des audiences jusqu’à nouvel ordre, la plus haute instance judiciaire du pays essuie une flétrissure dont elle se remettra avec beaucoup de peine.
Alors qu’on croyait s’acheminer vers un épilogue, la salve de comparutions dans le brûlant dossier dit des «Équipements militaires et de l’Avion présidentiel a été brusquement interrompu à mi-parcours des confrontations. C’est l’étonnant spectacle qu’a offert le Parquet général, qui a requis et obtenu auprès des assises un freinage des quatre fers au motif d’informations complémentaires. Rien de plus normal si le même ministère public ne misait, pour ce faire, sur le témoignage d’acteurs dont elle avait balayé d’un revers de main la comparution publique préalablement sollicitée par les avocats de défense. On y dénombre notamment d’anciens Premiers ministres sous IBK dont Moussa Mara, Oumar Tatam Ly, entre autres potentiels témoins. Pour ceux qui ont déjà pu défiler devant le public, leurs témoignages n’aura visiblement pas permis d’arracher des éléments assez solides pour conforter les chefs d’inculpation retenus contre les illustres accusés. Qu’il s’agisse des ministres Fily Sissoko et Mamadou Camara comme des colonels Drabo et Dabitao, les efforts pour les confondre sont apparus très laborieux et auront même tourné à leur décharge à défaut d’être battus en brèche à coups de pièces à conviction.
Plus que jamais éligibles à une mise en liberté
C’est probablement pour se tirer de cet engrenage que leurs poursuivants ont consenti la moins embarrassante déconvenue, qui consiste à rendre le tablier aux audiences sans abandonner les poursuites. Ce faisant, le parquet en a donné aux avocats de la défense l’occasion de subodorer et de dénoncer un dilatoire d’autant plus grossier que la procédure est engagée depuis tant d’années. Sauf que la diversion, s’il en est une, pourrait avoir servi d’une judicieuse brèche pour des détenus préventifs qui n’ont jamais été aussi proches d’une mise en liberté maintes fois refusée à la plupart d’entre eux. Leur éligibilité à cet avantage a été cette fois publiquement martelée par le président des assises en personne, avant que les avocats des accusés ne se sautent sur l’occasion. Des nouvelles demandes de libération de leurs clients ont derechef afflué en braquant les projecteurs sur le parquet dont l’attitude sera indicative de l’esprit ayant prévalu aux assises. En continuant de s’y opposer contre vents et marées, le magistrat Timbo et ses collaborateurs auront donné la preuve de leur impréparation criante ainsi que d’un procès concocté juste pour la conformité aux délais légaux de la détention préventive.
Comble de déconvenue et de compromission
Quoi qu’il en soit, par la faute du Parquet général de la Cour suprême et de ses errements, l’épisode aura révélé la justice malienne dans tous ses états. Et pour cause, sa débandade est une flétrissure qui vient s’ajouter à un discrédit congénital que traîne le dossier des «Equipements et de l’Avion présidentiel», depuis la résurrection au forceps de l’affaire. En plus d’avoir piétiné le privilège juridictionnel de nombreux acteurs impliqués, la procédure s’est aussi entachée de flagrance dans le travestissement des responsabilités : celle qui consiste à épargner le principal initiateur des marchés irrégulièrement attribués pour faire rendre gorge à des acteurs secondaires. Il n’est point étonnant, en définitive, qu’une démarche aussi boiteuse conduise à un fiasco susceptible de déteindre sur l’ensemble du dispositif répressif de la délinquance financière. Car, en tant que dossier emblématique d’une volonté politique affichée, il tient lieu de test grandeur – nature et préfigure malheureusement un sort similaire à d’autres dossiers de même portée politique. Il s’agit des affaires Paramount, de la Sécurité aéroportuaire ou encore de l’Assemblée nationale dans le cadre desquelles d’autres hauts dignitaires du régime défunt sont incarcérés.
A KEÏTA