Fermeté française à géométrie variable ?

Cette contrainte dans l’expression présidentielle sur l’Algérie est le fruit de nombreuses exégèses. Le plus grave est de l’attribuer à une peur panique des autorités françaises de voir le régime algérien manipuler la très forte diaspora dont il dispose sur le territoire français pour semer le chaos et la zizanie en France. L’actualité haletante du […]

Fermeté française à géométrie variable ?
   aujourdhui.ma
Cette contrainte dans l’expression présidentielle sur l’Algérie est le fruit de nombreuses exégèses. Le plus grave est de l’attribuer à une peur panique des autorités françaises de voir le régime algérien manipuler la très forte diaspora dont il dispose sur le territoire français pour semer le chaos et la zizanie en France. L’actualité haletante du moment a involontairement enfermé le président Emmanuel Macron dans une séquence contradictoire. D’un côté il adopte un langage ferme et une posture forte à l’encontre de la Russie de Vladimir Poutine qu’il présente comme un danger décisif pour la sécurité française des Européens, de l’autre côté il prône une approche apaisante à l’égard du régime algérien que son Premier ministre et son ministre de l’intérieur pilonnent à longueur de journée. Cette attitude de Macron a suscité de nombreux commentaires. Comment se fait-il que face à Moscou le ton soit viril et martial alors qu’à l’égard d’Alger l’attitude peut apparaître louvoyante, voire à contre-courant de la colère dominante des autorités et des opinions françaises. Cette contradiction apparente brouille au pire le message de gravité qu’Emmanuel Macron veut exporter à l’encontre du danger russe et au mieux affaiblit la posture de son architecture gouvernementale qui semble prête à en découdre avec le régime algérien dont l’action à l’égard de Paris est tout en défis et en menaces de rupture. Avec la Russie, depuis que le président américain Donald Trump a clairement choisi de négocier directement la fin de la guerre ukrainienne avec Poutine, Macron et les Européens se sont sentis trahis, lâchés en pleine guerre. Et cette trahison est d’autant plus amère qu’elle vient d’un allié traditionnel dont la séparation paraissait inimaginable. Face à cette situation inédite où de nouvelles alliances sont en train d’être réécrites, Emmanuel Macron, président du seul pays de l’Union européenne à détenir l’arme nucléaire, est monté au créneau. Avec ce message destiné à provoquer «un réveil stratégique», l’Europe est en danger face à la menace russe. Il faut se réarmer et se préparer à se passer du parapluie américain qui, de toute façon selon la vision française, finirait par prendre le large. En plus de la gravité de l’instant, Emmanuel Macron est soupçonné par ses détracteurs de vouloir profiter de cette séquence pour incarner un nouveau rôle, celui de chef de guerre de l’Europe, de leader de la famille occidentale, orpheline depuis que Donald Trump a choisi de tresser des lauriers à Vladimir Poutine et de délaisser par conséquent ses responsabilités de protecteur des pays de l’Union européenne. Ce rôle semble taillé pour Emmanuel Macron, chantre de l’autonomie stratégique et de la défense européenne et qui est allé dans cette logique jusqu’à proposer d’étendre le bouclier de la dissuasion nucléaire française à l’ensemble du territoire européen. Même si rien n’est tranché sur le partage de la dissuasion nucléaire, le fait d’en débattre installe Emmanuel Macron dans une posture de leadership très distinctive. Cette effervescence de Macron sur l’Europe et la Russie est brutalement contredite par une sorte de passivité cultivée à l’égard du régime algérien d’Abdelmajid Tebboune. Longtemps silencieux alors que la crise entre Paris et Alger faisait rage, Emmanuel Macron n’est sorti de son silence que pour donner l’impression d’aller à l’encontre des vœux de son gouvernement qui veut engager un rapport de force avec le régime algérien pour l’obliger à accepter les délinquants algériens expulsés de France. Pour ceux qui perçoivent cette tension franco-algérienne avec une logique du verre moitié plein, l’attitude de Macron peut révéler une stratégie de partage des rôles au sommet de l’Etat. Au Premier ministre et au ministre de l’intérieur la tonalité de l’escalade, de la menace et de la sanction, au président de la République celle de la modération du contrôle de soi, du maintien de la possibilité d’une négociation diplomatique. Mais pour ceux qui voient le contraire, un verre à moitié vide, l’attitude de Macron affaiblit la parole de la France à l’égard d’un régime algérien dont tout le monde conçoit qu’il ne comprend que le rapport de force. Cette contrainte dans l’expression présidentielle sur l’Algérie est le fruit de nombreuses exégèses. Le plus grave est de l’attribuer à une peur panique des autorités françaises de voir le régime algérien manipuler la très forte diaspora dont il dispose sur le territoire français pour semer le chaos et la zizanie en France. Si cette lecture venait à se justifier, elle enfermerait le comportement français sur l’Algérie dans une éternelle et impuissante logique de chantage qui va limiter drastiquement sa marge de manœuvre pour régler cette crise migratoire en suspens entre Paris et Alger. Emmanuel Macron est accusé par ses détracteurs de dramatiser le danger russe pour occuper un espace dans l’imaginaire des Européens, sans doute qui lui sera utile une fois terminé son second mandat à l’Elysée en 2027. Il est aussi soupçonné de baisser d’un ton sa critique du gouvernement algérien, au risque de contredire son gouvernement, avec l’espoir d’éviter les éclats déstabilisants d’un régime algérien acculé et connu pour sa pyromanie et ses pulsions agressives. Emmanuel Macron navigue entre ces deux attitudes avec un tel zigzag qu’il lui arrive de brouiller le sens réel de ses démarches.