Depuis le 21 novembre 2024, le Mali a un nouveau Premier ministre, en la personne du Général de division Abdoulaye Maïga (qui succède à Dr Choguel Kokalla Maïga relevé la veille) et une relative nouvelle équipe gouvernementale. En effet, 21 membres de l’équipe précédente ont été reconduits alors que seulement 7 nouvelles personnalités font leur entrée dans ce gouvernement dont la mission principale doit être de soulager les Maliens épuisés par la résilience et préparer le retour à l’ordre constitutionnel pour un atterrissage en douceur de cette transition. Ce qui fait aussi de la décrispation politique un «mal» nécessaire pour le Général d’armée Assimi Goïta et son gouvernement de clarification.
Le 21 novembre 2024, le Général de division Abdoulaye Maïga a été nommé Premier ministre par le président de la Transition, Général d’Armée Assimi Goïta. Une nomination intervenue au lendemain du limogeage de Dr Choguel Kokalla Maïga après sa sortie virulente du 16 novembre contre le régime en place. Ce dernier avait occupé le fauteuil de chef de gouvernement du 7 juin 2021 au 20 novembre 2024.
Le nouveau PM a formé le même jour son équipe dans laquelle il conserve le portefeuille de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Un gouvernement que l’on peut qualifier de celui de la «clarification» (souhaitée par Choguel) et qui n’enregistre que 7 départs, notamment les proches du PM sortant. Tous les autres ont gardé leurs portefeuilles. Le choix de ce jeune officier (qui a rallié sur le tard les «5 Colonels» putschistes du 18 août 2020 alors qu’il était lieutenant-colonel) n’a pas surpris les observateurs. Jusque-là ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation porte-parole du gouvernement, Abdoulaye Maïga s’est illustré comme une «emblématique figure médiatique» de la transition qui n’a jamais fait de cadeau aux détracteurs de celle-ci, notamment la France d’Emmanuel Macron, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Algérie…
Récemment élevé au grade de Général de division et de Grand officier de l’Ordre national du Mérite (à l’instar de cinq autres principales figures militaire du régime), il est s’est positionné sur l’aile dure des partisans du Général d’Armée Assimi Goïta qui semble lui faire entièrement confiance. D’ailleurs, le chef de l’Etat lui avait déjà fait confiance le 21 août 2022 pour assurer l’intérim à la Primature (pendant trois mois) suite aux ennuis de santé du Dr Choguel Kokalla Maïga. Et, visiblement, il a été à la hauteur de la mission. Sans compter que ces deux dernières années, ont rappelé des observateurs, il représentait le chef de l’Etat aux rencontres internationales comme les Assemblées générales des Nations unies… C’est ainsi que, juste avant sa nomination, il a pris la parole au nom du président de la transition au COP29 (conférence des parties) à Baku, en Azerbaïdjan.
Relancer une économie à l’agonie par la fourniture de l’électricité à temps plein
Sa nomination marque une nouvelle étape dans la gestion de la transition malienne au moment où le processus commence à s’enliser et que des voix ne cessent de s’élever en faveur du retour à l’ordre constitutionnel parce que la résilience commence à montrer ses limites face aux difficultés que les Maliens éprouvent au quotidien. Jusque-là principal interlocuteur de la classe politique (en tant que ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation qu’il est resté en plus du fauteuil du PM), la principale mission du Général A. Maïga, selon des observateurs, sera de renouer le dialogue avec les hommes politiques pour un atterrissage en douce de la transition (organisation dans les meilleurs délais de la présidentielle consacrant le retour à l’ordre constitutionnel), la relance économique par (par exemple) la résolution pérenne de la crise énergétique et l’apurement de la dette intérieure …
Le fair-play a prévalu lors de la passation entre Dr Choguel Kokalla Maïga (en bleu) et son successeur à la Primature, Général de division Abdoulaye Maïga
Apaiser les tensions et stabiliser le pays pour éviter les zones de turbulence pouvant précipiter la fin de la transition à cause de la radicalisation de certaines positions : Voilà à notre avis le véritable défi du Général de la Primature. Cela doit se traduire par des actions concrètes à deux niveaux : la résolution de la crise énergétique et l’élaboration d’un calendrier consensuel pour le retour à l’ordre constitutionnel !
Aujourd’hui, même ceux qui ont accordé un blanc-seing au président-Général Goïta sont exaspérés par cette crise énergique qui perdure. Contrairement au retour à l’ordre constitutionnel (différents sondages ayant démontré que les élections ne sont pas une priorité pour les Maliens), les coupures de courant sont une préoccupation nationale à cause de ses conséquences politiques et sociales de nos jours perceptibles à tous les niveaux. Il est donc temps que cela prenne fin, quels que soient les moyens que cela nécessite. Le changement du ministre de tutelle et la visite du Général Abdoulaye Maïga à EDM jeudi dernier (28 novembre 2024) suscitent l’espoir d’une prise de conscience des enjeux réels de la résolution de cette crise qui n’a que trop duré.
Comme nous le rappelaient la semaine dernière nos confrères de «Le Wagadu», tous les secteurs d’activités de l’économie malienne sont à l’arrêt. Du BTP (Bâtiment, Travaux Publics) au commerce en passant par les transports, tous les pans de l’économie malienne connaissent des difficultés. L’industrie et le secteur informel, où travaille une partie importante de la population, notamment dans les centres urbains, sont paralysés par la crise énergétique. Ce qui a plongé le pays dans «une situation économique inquiétante» et lui vaut des mauvaises notes attribuées par les notes des agences de notation (Coface, Moody’s…) et des difficultés sur le marché financier. Tous ces facteurs réunis ont naturellement entraîné la baisse du pouvoir d’achat de la population.
Décrisper pour rassembler les forces vives
La décrispation politique est aussi indispensable pour une fin de transition moins agitée. C’est d’ailleurs le choix exprimé par une grande partie de la classe politique après la nomination de l’actuel PM et la formation de son équipe. Cette décrispation doit commencer naturellement par la libération des onze leaders du Collectif des partis signataires de la Déclaration du 31 mars 2024 qui les considère aujourd’hui comme des «prisonniers politiques» sur lesquels la justice s’acharne sur ordre des décideurs du moment.
La libération des 11 leaders de la coalition du 31 mars, l’élargissement des prisonniers politiques et la création des conditions favorables au retour des politiciens «exilés» constituent la quintessence des communiqués et mémorandums publiés ces derniers jours par différents états-majors. Ainsi, le Parti pour la renaissance nationale (PARENA) a appelé les autorités de la transition à «instaurer un climat apaisé» se traduisant par «la libération des détenus politiques» et la «convocation des concertations inclusives» pour discuter du retour de la légalité constitutionnelle.
Tout en saluant la nomination du Général de division Abdoulaye Maïga à la Primature, le parti Convergence pour le développement du Mali (CODEM) a également formulé plusieurs propositions pour une sortie de crise dans son communiqué publié le 21 novembre 2024. Il s’agit, entre autres, de la libération de tous les détenus politiques et d’opinion, le retour des exilés politiques et la création d’un cadre de dialogue inclusif avec la classe politique. Le parti de la quenouille a aussi insisté sur la nécessité de fixer un «calendrier électoral consensuel» excluant les militaires de toute candidature pour la crédibilité des prochaines consultations électorales.
Pour le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP, tendance Oumarou Diarra), la nomination du Général Abdoulaye Maïga marque «une nouvelle phase dans la gestion de la Transition». Et il a salué la formation du gouvernement comme «une initiative cruciale» pour maintenir le cap vers les objectifs fixés par la Charte de la Transition. Pour le Comité stratégique de cette tendance du M5-Rfp, il est essentiel que cette période transitoire s’achève dans des délais raisonnables tout en respectant les aspirations profondes du peuple malien. Il a mis en relief la «nécessité de bâtir un Mali debout, démocratique et souverain, conformément aux idéaux pour lesquels le M5-Rfp s’est battu depuis sa création».
Fidèle à ses «engagements pour la réconciliation nationale et le renforcement de l’unité», l’Union pour la République et la démocratie (URD) a souhaité que «cette nouvelle dynamique (nomination d’un nouveau Premier ministre) permette de relever les immenses défis auxquels le Mali fait face, notamment la sécurité, la relance économique et l’organisations d’élections transparentes et crédibles».
«Nous sommes à la dernière étape de la transition. Laissons les choses comme elles sont et essayons de regarder le contenu plutôt que ce que le nouveau gouvernement doit faire pour que nous ayons une transition qui s’achève par des élections transparentes, crédibles et qui vont vraiment consacrer le retour à l’ordre constitutionnel plein et entier. Pour moi, c’est le plus important…», a souhaité l’ancien Premier ministre Moussa Mara dans un entretien accordé à la presse allemande.
Et, à son avis, la création d’un ministère délégué auprès du Premier ministre chargé des réformes politiques et du soutien au processus électoral est un signe d’espoir. «Ça donne vraiment de l’espoir parce que ce soutien au processus électoral est nouveau. Et comme d’autres partis l’ont dit, nous sommes disponibles. Ce pays nous appartient à nous tous et personne n’est contre la transition. On veut que la transition réussisse et s’achève positivement, donc on est disponible pour y contribuer, sans être dans un poste déterminé», a-t-il ajouté.
Réputé être un gros bosseur à cheval sur des principes et des valeurs, Abdoulaye Maïga jouit de préjugés favorables à la primature. En tout cas, pensent de nombreux interlocuteurs, il a le profil du poste. Mais, comme l’a si bien souligné le Parena dans son mémorandum, le Général de division sera jugé sur ses résultats. Autant alors lui donner aussi le temps de faire ses preuves !
Hamady Tamba