Dans Happy Holidays, Scandar Copti immerge le spectateur au cœur des tensions sociétales et familiales d’une minorité palestinienne en Israël. Ce drame intimiste, projeté lors de la compétition officielle du 21ᵉ Festival international du film de Marrakech, dépeint avec subtilité les contradictions entre un désir d’émancipation et le poids des traditions patriarcales.
Le film explore les destins croisés d'une famille bourgeoise palestinienne à Haïfa, où chaque personnage porte un fardeau. Hanane, matriarche ambitieuse, lutte pour maintenir les apparences en organisant un mariage somptueux malgré une crise financière. Sa fille Layla représente une génération tiraillée entre aspirations personnelles et attentes familiales. Fifi, survivante d’un accident de voiture, incarne une quête de pardon et d’amour dans une société où l’honneur familial prime. La narration, éclatée mais cohérente, s’appuie sur une structure qui capte des fragments de vie, renforçant l’authenticité des récits. Copti mise sur des dialogues improvisés, un choix qui ajoute une sincérité brute aux interactions des personnages. Visuellement, Happy Holidays excelle dans sa représentation de l’intimité. La photographie épouse les codes du réalisme social, capturant des intérieurs chaleureux, des gestes ordinaires et des rituels partagés. Ce regard détaillé sur les espaces domestiques transcende la simple anecdote pour révéler un univers où les coutumes et le quotidien se heurtent à des aspirations de changement. Le montage, issu de 300 heures de tournage, sublime cette fluidité narrative et traduit une tension permanente entre les moments d’introspection et de confrontation. Le langage du corps et de l’émotion Scandar Copti fait le pari audacieux de travailler avec une distribution non professionnelle. Ce choix donne lieu à des performances d’une authenticité désarmante. L’improvisation, maîtrisée grâce à une direction d’acteurs rigoureuse, dévoile des émotions brutes, rendant chaque scène vibrante de vérité. Fifi, incarnée par Manar Shehab, illustre particulièrement cette sensibilité à travers une palette émotionnelle riche, entre culpabilité et quête d’amour. Happy Holidays transcende son apparente focale sur les drames familiaux pour inscrire son récit dans une réflexion plus large sur la société palestinienne de 1948. Si l’occupation n’est pas le sujet central, elle plane néanmoins comme un contexte sous-jacent, imprégnant les enjeux sociaux et les dilemmes personnels. En adoptant une perspective féminine, le film remet en question les normes patriarcales tout en soulignant la place cruciale de l’émancipation des femmes dans l’évolution des sociétés. Ce point de vue universel invite à une réflexion qui dépasse les frontières géographiques et culturelles, rapprochant les spectateurs de problématiques globales. Copti propose une expérience cinématographique qui mêle l’intime au politique. Loin des représentations stéréotypées, ce film dessine un portrait nuancé et universel d’une communauté en quête d’équilibre entre tradition et modernité.