Libre Tribune : Inflation au Maroc, entre chiffres officiels et réalité des marchés

Par El Mostapha BAHRI, Economiste Ces dernières années, les discussions au Maroc sont de plus en plus axées sur les prix, autrement dit sur l’inflation. Ce phénomène économique, qui se traduit par une hausse généralisée et continue des prix des biens et services, a un impact direct sur le pouvoir d’achat des consommateurs. La question qui […] The post Libre Tribune : Inflation au Maroc, entre chiffres officiels et réalité des marchés appeared first on La Nouvelle Tribune.

Libre Tribune : Inflation au Maroc, entre chiffres officiels et réalité des marchés
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Par El Mostapha BAHRI, Economiste Ces dernières années, les discussions au Maroc sont de plus en plus axées sur les prix, autrement dit sur l’inflation. Ce phénomène économique, qui se traduit par une hausse généralisée et continue des prix des biens et services, a un impact direct sur le pouvoir d’achat des consommateurs. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’inflation au Maroc est devenue structurelle, comme l’a déclaré le Haut-Commissaire au Plan en mars 2023 : « l’inflation est devenue une donnée structurelle de l’économie marocaine, que l’on doit s’habituer à vivre avec »[1]. Depuis le début de 2024, l’inflation continue d’exercer une pression tangible sur les prix réels du marché, créant ainsi des défis non seulement pour les consommateurs, mais aussi pour les entreprises et les décideurs politiques. Si les statistiques officielles indiquent une tendance baissière de l’inflation, un décalage notable subsiste entre ces chiffres et la réalité du marché. Officiellement, « l’inflation au Maroc a suivi une tendance à la baisse, portée par la diminution des prix des produits alimentaires à prix volatils. Après avoir atteint 6,1 % en 2023, elle devrait s’établir à 1,3 % en 2024, avant de remonter légèrement à 2,5 % en 2025. L’inflation sous-jacente, qui exclut les produits volatils, s’est quant à elle stabilisée autour de 2 % et devrait rester proche de ce taux sur les huit prochains trimestres »[2]. Cependant, sur le terrain, les prix des produits de première nécessité, qui constituent l’essentiel du panier de la ménagère, sont devenus inaccessibles pour une grande partie de la population. Ce constat ne remet pas en cause les chiffres officiels, mais met en lumière le fait que plusieurs produits et services pris en compte dans le calcul de l’indice des prix ne concernent pas les citoyens vivant avec le SMIG ou des revenus inférieurs. Ne serait-il pas plus pertinent de concevoir un indice des prix adapté aux ménages les plus défavorisés ? Par ailleurs, la consommation de viandes, qu’elles soient blanches ou rouges, a fortement diminué, au point de disparaître des achats des ménages. De même, les fruits, depuis cet été, sont devenus un luxe inaccessible pour la majorité de la population. Quant à la qualité des légumes et fruits disponibles sur certains marchés populaires, elle laisse souvent à désirer, mais face aux prix élevés, de nombreux citoyens n’ont d’autres choix que de les acheter. Le 24 septembre 2024, le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu sa troisième réunion trimestrielle et a décidé de maintenir son taux directeur à 2,75 %. Cette décision repose sur un contexte d’inflation modérée et sur les incertitudes qui pèsent sur les perspectives économiques. Toutefois, la Banque centrale se montre vigilante quant à l’évolution de la situation, notamment à l’échelle internationale, et se dit prête à ajuster sa politique monétaire si nécessaire »[3]. À mon avis, cette décision est judicieuse. Cependant, la politique monétaire, à elle seule, ne suffit pas à freiner la hausse des prix dans un environnement où les prix sont libéralisés. Le problème ne réside pas dans cette politique de libéralisation des prix. En effet, la libéralisation des prix, qui consiste à laisser les forces du marché déterminer librement les prix des biens et services, présente plusieurs avantages. Il s’agit de l’amélioration de l’efficacité économique, de la stimulation de la concurrence, de l’encouragement à l’innovation, de l’atténuation des distorsions du marché, de l’attraction des investissements, de la réduction des interventions étatiques coûteuses et enfin de l’amélioration de la transparence du marché. Ces avantages doivent permettre entre autres une utilisation des ressources, une augmentation de la productivité, une stabilité des prix et une amélioration du bien-être social Cependant, pour de nombreux fournisseurs de biens et services, la libéralisation des prix est souvent interprétée comme une liberté totale, ce qui conduit parfois à une situation chaotique. Il est crucial de rappeler que la liberté des prix ne signifie pas l’absence d’intervention des autorités, celles-ci ayant un rôle à jouer dans la régulation des marchés. Cela inclut une surveillance constante pour assurer une concurrence équitable, ainsi que des mesures correctives pour remédier aux dysfonctionnements et protéger les consommateurs. Malheureusement, les interventions du Conseil de la Concurrence, de l’administration en charge des prix, des enquêteurs sur le terrain, et même des associations de consommateurs n’ont pas eu d’effet perceptible pour les citoyens. Ces derniers estiment être laissés à leur sort face à des fournisseurs malhonnêtes et à des intermédiaires dominateurs qui contrôlent le marché, ce qui soulève les interrogations suivantes : Les lois actuelles en matière de concurrence et de protection du consommateur permettent-elles une surveillance efficace du marché, une intervention en cas de dysfonctionnements, ainsi que des sanctions appropriées lorsque cela s’avère nécessaire ? L’administration et les organes responsables de l’application de ces lois disposent-ils des ressources humaines qualifiées, des équipements et des compétences nécessaires pour assurer leur mise en œuvre effective ? Les associations de consommateurs sont-elles capables de remplir leur mission d’information et de sensibilisation, d’assistance et de conseil, de représentation et de défense des intérêts des consommateurs, ainsi que de promotion de la qualité des produits et services ? En conclusion, l’inflation au Maroc soulève des défis majeurs pour les consommateurs (notamment la catégorie à faible revenu, voire la classe moyenne), les entreprises et les décideurs politiques, particulièrement dans le cadre de la libéralisation des prix. Si les données officielles annoncent une baisse de l’inflation, la réalité sur les marchés démontre une pression persistante, notamment sur les ménages les plus modestes. La politique monétaire, bien qu’essentielle, ne suffit pas à elle seule à corriger ces déséquilibres. Une régulation efficace, un suivi rigoureux des prix et un renforcement des dispositifs de protection des consommateurs sont indispensables pour assurer un marché plus équitable et préserver le pouvoir d’achat des citoyens. [1] https://fr.belpresse.com/, du 27 mars 2023 [2] https://www.challenge.ma/, du 24 septembre 2024. [3] https://www.challenge.ma/. Op. Cit. 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