M. Mohammed El Baraka, Président de la FOLEA

« Le nouveau contrat programme a pour objectif de passer de 99% d’importation d’huile végétale à 84% d’ici 2030, soit une production d’environ 200 000 t de graines » « Les dispositions du contrat programme permettent d’assurer un revenu intéressant à l’agriculteur et lui garantissent la commercialisation de l’ensemble de sa production par le GIOM » Dans un contexte … The post M. Mohammed El Baraka, Président de la FOLEA first appeared on FOOD Magazine.

M. Mohammed El Baraka, Président de la FOLEA
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« Le nouveau contrat programme a pour objectif de passer de 99% d’importation d’huile végétale à 84% d’ici 2030, soit une production d’environ 200 000 t de graines » « Les dispositions du contrat programme permettent d’assurer un revenu intéressant à l’agriculteur et lui garantissent la commercialisation de l’ensemble de sa production par le GIOM » Dans un contexte marqué par le stress hydrique, la flambée des prix internationaux et l’enjeu croissant de la souveraineté alimentaire, la relance de la filière oléagineuse au Maroc devient un impératif stratégique. Président de la FOLEA (Fédération Interprofessionnelle des Oléagineux), M. Mohammed El Baraka revient sur l’évolution historique de cette filière, ses défis structurels, mais aussi ses nouvelles perspectives portées par le contrat-programme signé avec l’État. Objectifs chiffrés à l’horizon 2030, soutien attendu des pouvoirs publics, structuration industrielle, accompagnement des agriculteurs : un état des lieux complet et sans détour. Pouvez-vous nous rappeler les différentes étapes historiques de la filière oléagineuse au Maroc ? Au début des années 90, le tournesol est le principal oléagineux cultivé au Maroc. Des records de production ont été atteints avec plus de 160 000 tonnes de graines grâce à des droits de douane appliqués sur les tourteaux et huiles végétales garantissant des prix rémunérateurs pour les agriculteurs.  A partir du milieu des années 90, une libéralisation progressive des échanges a rendu moins attractive les cultures oléagineuses pour l’agriculteur marocain. Les surfaces ont fortement diminué. A partir de 2012, la mise en place du Plan Maroc Vert a permis de relancer la filière tournesol et d’introduire la culture de colza. Cette dernière est une culture qui présente plusieurs intérêts à la fois d’un point de vue agronomique (adaptation à des conditions climatiques extrêmes) et d’un point de vue débouchés (tourteaux et huile végétale avec une composition en acides gras riches en oméga 3 et oméga 6). Les dispositions de prix garanti aux producteurs et de compensation versée aux triturateurs ont permis de maintenir une production locale oléagineuse entre 20 et 40 000 tonnes par an entre 2012 et 2020. Ces dernières années, toutes les filières agricoles ont été impactées par des années de déficit hydrique successif. Les grandes cultures ont été fortement impactées. Le nouveau plan Génération Green 2023 – 2030 donne un nouveau cadre de soutien à l’agriculture. Pour la filière oléagineuse, un nouveau contrat programme a été signé entre le gouvernement marocain et la FOLEA. Il prévoit un prix garanti aux producteurs, des subventions de la semence, des aides aux triturateurs et surtout l’accès à des périmètres d’irrigation de complément. Quel est votre diagnostic de la filière aujourd’hui et quelles sont ses perspectives de développement au Maroc ? La FOLEA a pris l’initiative en 2023 de réaliser un livre blanc sur la filière oléagineuse marocaine. Ce document dresse un diagnostic de la filière oléagineuse et propose des recommandations pour poursuivre le développement de cette filière dans un contexte marqué par le changement climatique. Le nouveau contrat programme reprend ces recommandations et a pour objectif de passer de 99% d’importation d’huile végétale à 84% d’ici 2030, soit une production d’environ 200 000 t de graines. Cette production locale contribuera aussi à fournir 10% des besoins en tourteaux utilisés en alimentation animale pour les filières viande et lait. Que pèse la filière aujourd’hui et qu’est-ce qu’elle représente? L’importation d’huile de table représente 99% de nos besoins nationaux, soit environ 600 000 tonnes par an pour une valeur de l’ordre de 8,5 milliards de dirhams. De même, les besoins en tourteaux pour l’alimentation animale sont d’environ 1,2 million de tonnes par an et plus de 99% sont importés pour une valeur de l’ordre de 4, 7 milliards de dirhams. Il existe 2 usines de trituration des graines oléagineuses au Maroc, Casablanca et Ain Taoujdat, d’une capacité totale de 1200 tonnes de graines par jour, soit une capacité annuelle de 400 000 tonnes de graines oléagineuses  Le raffinage et la mise en bouteille d’huile végétale sont réalisés majoritairement dans 7 unités industrielles spécialisées implantées à Casablanca, Berrechid, Fès, Agadir et Laâyoune. Ces unités, regroupées au sein de l’Association des Fabricants d’Huile au Maroc APFHM, sont équipées d’installations de raffinage et de conditionnement de dernières technologies permettant de produire des huiles de très bonne qualité répondant aux normes internationales. Les produits sont distribués sur tout le territoire national grâce à des circuits logistiques composés des moyens de transports et d’agences couvrant ainsi tous les points de ventes au Maroc.  Quels objectifs prioritaires vous êtes-vous fixés d’ici 2030, et sur quels axes allez-vous concentrer vos efforts ?  Nos objectifs pour 2030 sont de passer de 30 000 ha à 130 000 ha pour les surfaces cultivées, et de passer de 20 000 tonnes à plus de 200 000 tonnes pour la production. Les principaux axes de travail pour la période 2025 – 2030 consistent à : Améliorer la productivité des cultures oléagineuses : semences adaptées au contexte local, développement de la mécanisation, amélioration des services rendus aux agriculteurs agrégés, Améliorer la compétitivité : réduction des coûts de revient, optimisation de la gestion de la collecte, améliorer la qualité des graines, Limiter les risques liés aux aléas climatiques : accéder aux périmètres d’irrigation de complément, adapter l’assurance climatique aux oléagineux, adapter le positionnement des cycles de culture, Organiser des partenariats équilibrés et durables avec l’écosystème agricole, renforcer l’interprofession, et cibler les zones à fort potentiel En 2024, la FOLEA a signé une convention de partenariat avec le groupe Avril (groupe français leader des huiles et protéines végétales en France) et Agropol pour la mise en place d’un centre technique régional à Meknès. Le démarrage du centre est prévu cet été. Il vise à structurer la filière oléagineuse au niveau d’une zone définie par la formation de structures de conseil agricole, l’évaluation de semences adaptées au contexte local, l’amélioration des rendements, … Ce centre fait l’objet d’un financement par les fonds FASEP. Le FASEP (Fonds d’études et d’aide au secteur privé) est un dispositif français géré par la Direction générale du Trésor. Il vise à soutenir l’internationalisation des entreprises françaises. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils vous aider à atteindre ces objectifs ?  La filière des oléagineux constitue un levier stratégique pour le Maroc, tant sur le plan de la souveraineté alimentaire que pour ses retombées économiques. Indispensable à l’équilibre nutritionnel, elle dispose également de nombreux atouts agronomiques et représente un enjeu majeur pour l’industrie agroalimentaire. À ce titre, une mobilisation renforcée des pouvoirs publics est essentielle pour accompagner son développement. Au niveau du Ministère de l’Agriculture : Le contrat programme inscrit dans le cadre du plan Génération Green prévoit des mesures concrètes d’accompagnement de la filière telles que le prix d’achat garanti aux agriculteurs, la subvention de la semence ou encore l’accès aux périmètres d’irrigation de complément déployé dans le cadre de Génération Green, et de : – Redynamiser la recherche notamment au niveau des semences adaptées à nos sols et au changement climatique, le conseil agricole pour sensibiliser les agriculteurs sur les conséquences bénéfiques sur les autres cultures notamment les céréales, le support et le soutien des directions régionales par l’encadrement des agriculteurs en collaboration avec le GIOM (Groupement des Industriels Oléagineux du Maroc). – Prévoir et adapter les mécanismes d’assurance climatique aux spécificités des cultures oléagineuses, en particulier dans les zones bour, où ces cultures sont majoritairement implantées -Accompagner le GIOM pour mettre en place et réussir l’agrégation qui est un facteur très important pour la relance de ces cultures.  Nous devons aujourd’hui négocier les niveaux d’accompagnement de la période 2026 – 2030. Au niveau du Ministère de l’industrie :  Dans une optique de valorisation de la production agricole nationale et de renforcement de la souveraineté alimentaire, il est essentiel de mettre en place des mesures d’accompagnement ciblées pour rendre l’industrie de trituration des graines oléagineuses plus performante et rentable. Cela permettra de mieux absorber la production locale tout en diversifiant nos sources d’approvisionnement en huiles et graines sur le marché international. Par ailleurs, un soutien spécifique aux tourteaux produits localement pourrait contribuer au maintien et à la pérennisation des unités de trituration Quels soutiens attendez-vous des pouvoirs publics pour structurer durablement la filière ? Pour assurer une structuration pérenne et compétitive de la filière oléagineuse, plusieurs leviers d’appui public sont essentiels comme l’accès aux périmètres d’irrigation de complément, l’encouragement à la production locale de tourteaux, l’amélioration de l’accompagnement prévu dans le contrat programme et l’augmentation du prix d’achat garanti aux agriculteurs. Où en est la filière marocaine en termes de production nationale de colza et de tournesol ? Quelles sont les régions les plus dynamiques ? L’année dernière, nous avons récolté un plus de 11 000 t de tournesol et colza. Bien que faible, la production reste à un niveau acceptable dans un contexte de stress hydrique. Nous ambitionnons de tripler cette production dans les plus brefs délais, grâce aux actions engagées et au soutien de l’État. À ce jour, les régions les plus dynamiques sont le Gharb, Meknès, le Loukkos et la Chaouia. D’autres zones à fort potentiel de développement sont identifiées, notamment les Doukkala et Tadla. Le Maroc importe encore massivement des huiles et des tourteaux. Quelles solutions préconisez-vous pour réduire cette dépendance ? La production nationale ne couvre qu’une faible partie de nos besoins en huiles et tourteaux. Le Maroc est très dépendant des importations et s’expose ainsi à un risque de pénurie et de flambée des cours mondiaux des matières premières sur un produit de première nécessité   Il convient d’assurer un approvisionnement pour les unités de trituration locales. L’accompagnement au maintien de ces unités est la garantie de limiter l’importation d’huile et de tourteaux. Le développement de la filière permettra également d’améliorer le stock de sécurité dans les champs  Comment la FOLEA accompagne-t-elle les agriculteurs dans l’amélioration des rendements et la qualité des semences ? La FOLEA (Fédération Interprofessionnelle des Oléagineux) joue un rôle central dans la structuration de la filière oléagineuse au Maroc. Elle fédère les différents acteurs de la chaîne de valeur, des associations d’agriculteurs en amont aux industriels en aval. Bien que la FOLEA n’intervienne pas directement sur le terrain auprès des agriculteurs, elle agit comme catalyseur de partenariats stratégiques et de projets structurants. L’accompagnement opérationnel est assuré par le GIOM, structure commune aux industriels de la trituration (Lesieur Cristal et Huileries du Souss Bel Hassan). Le GIOM encadre les agriculteurs depuis le semis jusqu’à la récolte, en leur offrant un soutien technique, le préfinancement des semences, des intrants, de l’assurance agricole, et parfois même des travaux de préparation des sols  En 2024, un pas décisif a été franchi avec la création d’un centre technique régional à Meknès, fruit d’un partenariat entre la FOLEA, AGROPOL (structure française spécialisée dans les filières oléo-protéagineuses qui nous accompagne sur le terrain), et AVRIL. Ce centre constitue une plateforme d’innovation au service du contrat « Génération Green 2023-2030 ». Il vise à : Développer des semences locales adaptées aux conditions climatiques marocaines, en collaboration avec l’INRA et les semenciers, Promouvoir des pratiques culturales innovantes comme le semis direct et de nouveaux assolements, Conduire des essais agronomiques et des études sur la valorisation de la paille de colza  Vous avez récemment signé deux conventions avec l’INRA et ASNAF. Quels sont les impacts attendus de ces partenariats ? Ces conventions sont signées dans le cadre du contrat programme et d’une convention chapeau qui sera signée prochainement avec la FNIS, la Fédération Nationale Interprofessionnelle des Semences  Elles visent à tester de nouvelles variétés qui répondent à un besoin d’accès à des semences bon marché et adaptées au contexte local. En quoi les partenariats avec les acteurs privés comme Lesieur Cristal ou Agropol renforcent-ils la chaîne de valeur oléagineuse ? Ces partenariats permettent de bénéficier de l’expérience d’acteurs majeurs ayant mis en place des filières oléagineuses dans différents contextes. Agropol organise et anime des échanges entre les différents acteurs oléagineux du Maghreb et de la France. C’était le cas de la dernière édition des « Rencontres Maghreb Oléagineux” (RMO) qui s’étaient déroulées les 5 et 6 mars 2024 à Rabat.  Lesieur Cristal est un acteur agro-industriel qui accompagne depuis plusieurs années le développement des filières oléicole et oléagineuse marocaines. Lesieur Cristal est donc engagé en faveur de la souveraineté alimentaire et le développement de filières locales notamment au travers de sa raison d’être « Servir la Terre ». Sa présence de l’amont à l’aval permet de renforcer la résilience de nos filières oléagineuses et oléicoles. Cette approche intégrée se traduit par des investissements et des partenariats avec des acteurs scientifiques et institutionnels pour faire émerger des solutions agronomiques adaptées aux réalités locales, notamment en matière de gestion de l’eau, de qualité des semences et de pratiques culturales responsables. La publication d’un Livre Blanc par la FOLEA a marqué une étape importante. Quelles recommandations clés doivent, selon vous, être mises en œuvre en priorité ? Les principales recommandations concrètes du livre blanc sont : Afficher dès le début de campagne un prix plancher suffisamment rémunérateur pour l’agriculteur,  Favoriser une approche territoriale de l’accompagnement, fidéliser de nouveaux agriculteurs et utiliser les outils digitaux, Accéder à une irrigation d’appoint, Faciliter l’accès aux semences certifiées produites localement, Adapter l’assurance multirisque climatique aux spécificités de la culture, Renforcer la subvention d’agrégation, Donner un avantage concurrentiel à la production locale de tourteaux au titre de la souveraineté alimentaire, Encourager la création d’entreprises agricoles prestataires de service et distributeurs d’intrants, Favoriser une approche territoriale de l’accompagnement, fidéliser de nouveaux agriculteurs et utiliser les outils digitaux . Dans un contexte de stress hydrique, comment la culture oléagineuse s’adapte-t-elle au changement climatique ? D’une part, l’agriculture de conservation dont la principale mesure est le semis direct s’adapte bien à la culture de colza. Le semis direct présente de nombreux avantages notamment une réduction de l’évaporation de l’eau et une meilleure infiltration dans le sol. Par ailleurs, le développement de variétés adaptées aux conditions locales avec un cycle court et précoce, peut présenter une résistance face au stress hydrique. Si vous deviez convaincre un jeune agriculteur d’investir dans les oléagineux, quels arguments mettriez-vous en avant ? Les dispositions du contrat programme permettent d’assurer un revenu intéressant à l’agriculteur et lui garantissent la commercialisation de l’ensemble de sa production par le GIOM. Des sociétés de services spécialisées, en lien avec le GIOM, accompagnent les agriculteurs depuis le semis jusqu’à la récolte. Des agronomes de terrain assurent un suivi personnalisé, garantissant de bonnes pratiques culturales et des rendements optimisés. De plus, des mécanismes de préfinancement de la campagne sont mis en place pour alléger la pression de trésorerie en début de saison. Il ne faut pas oublier que la culture de colza intégrée dans un assolement avec des céréales permet d’améliorer le rendement du blé. Quels sont les grands chantiers que vous souhaitez ouvrir dans les années à venir ? Dans le cadre de sa stratégie de développement durable de la filière oléagineuse, la FOLEA ambitionne d’ouvrir plusieurs chantiers structurants au cours des prochaines années avec notamment la création du centre technique régional de Meknès, le développement de variétés locales certifiées adaptées au climat des zones à fort potentiel et l’accès à l’irrigation de complément pour 25% des surfaces dédiées. La FOLEA souhaite également renforcer la rémunération des agriculteurs en leur permettant de bénéficier soit d’une part du tourteau issu de la trituration de leurs graines, soit de la valorisation de la paille de colza, notamment à travers des débouchés énergétiques ou fourragers. Et pour finir, il est prévu de négocier l’augmentation des prix d’achat auprès des agriculteurs dans le cadre d’un nouveau contrat programme  Parcours professionnel Mohammed El Baraka, titulaire d’un MBA de l’Université de Sherbrooke et diplômé en ingénierie industrielle de l’École Nationale de l’Industrie Minérale de Rabat, se distingue en tant qu’expert de l’industrie agroalimentaire et du développement agricole. Il est actuellement Président de la Fédération Interprofessionnelle des Oléagineux (FOLEA), de l’Association Professionnelle des Fabricants d’Huile au Maroc (APFHM) et de la Fédération des Huiles d’Olive au Maroc (FeHOM), et vice-président de l’INTERPROLIVE. Parallèlement, il occupe le poste de Directeur Général chez EXPERTS AGRO CONSULTING. Son parcours diversifié chez LESIEUR CRISTAL, où il a été Secrétaire Général, témoigne d’une expertise étendue, tant sur le plan opérationnel que stratégique. Il a précédemment occupé le poste de Directeur Industriel Central pour NABC/COCA COLA et Ingénieur de production chez MANAGEM/ ONA. Il a dirigé plusieurs projets de développement, tant au Maroc qu’à l’international.The post M. Mohammed El Baraka, Président de la FOLEA first appeared on FOOD Magazine.