La stratégie sur laquelle macron avait parié, celle de la diplomatie et du dialogue avec le régime algérien avec ses tentatives de le convaincre en douceur de relâcher Boualem Sansal et d’ouvrir une nouvelle page dans ses relations avec la France a spectaculairement échoué.
Depuis la confirmation en appel à cinq années de prison pour l’ecrivain franco-algérien Boualem Sansal et sa non-grâce par Abdelmajid Tebboune le 5 juillet dernier, Emmanuel Macron avait observé le silence mutique. Seule la classe politique française s’est chargée d’exprimer son indignation face à ce comportement algérien. L’Elysée semblait tétanisé par son impuissance.
Il faut dire que la stratégie sur laquelle il avait parié, celle de la diplomatie et du dialogue avec le régime algérien avec ses tentatives de le convaincre en douceur de relâcher Boualem Sansal et d’ouvrir une nouvelle page dans ses relations avec la France a spectaculairement échoué. Alger est resté droit dans ses bottes, dans son arrogance et sa volonté de défier la France. Non seulement aucune grâce pour Sansal, mais un autre journaliste sportif, Christophe Gleizes, vient s’ajouter à la liste des Francais détenus en Algérie et poursuivi pour la très grave accusation de terrorisme.
Pour Emmanuel Macron qui a été catalogué comme le président français le plus pro algérien de la cinquième République, cette crise avec Alger est des plus grands défis qu’affronte son second mandat. Et il est confronté à deux choix majeurs. Le premier est de continuer à faire la sourde oreille, la politique de l’autruche, autrement dit gérer le statu quo avec le régime algérien jusqu’à la fin de son mandat en 2027. Le second est de prendre des mesures dissuasives qui obligeraient le régime algérien à changer d’attitude et à être plus coopératif.
D’ailleurs au sein de la gouvernance Macron, deux tendances se sont dessinées pour gérer la crise algérienne. La première est celle du ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot qui privilégie le dialogue diplomatique et les tentatives de persuasion par les canaux traditionnels. La seconde est celle incarnée par le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau qui appelle à aller au rapport de force avec Alger, la seule langue que le régime algérien comprend.
Sur fond de divergences entre les deux hommes, une véritable passe d’armes par médias interposés vient d’alimenter cette divergence de fond. Bruno Retailleau, pour pointer la faillite de la politique Française sur l’Algérie, affirme avec fracas que «la diplomatie des bons sentiments a échoué». Ce à quoi Jean-Noël Barrot a répondu, un brin vexé et en colère, «il n’y a ni diplomatie des bons sentiments ni diplomatie du ressentiment il y a juste de la diplomatie».
Cette passe d’armes entre deux poids lourds du gouvernement de François Bayrou met une énorme pression sur Emmanuel Macron. S’il choisit la voie privilégiée par le ministre des affaires étrangères, il faut qu’il prépare les opinions françaises à avaler, dans l’impuissance, plus de couleuvres algériennes. S’il choisit les remèdes de Bruno Retailleau, il faut qu’il prépare son gouvernement à aller au rapport de force avec le régime algérien avec toutes les conséquences politiques, économiques et sécuritaires que cela implique.
Jusqu’à présent la France a retenu ses coups contre le régime algérien. Elle n’a pas encore eu recours aux armes de persuasion massives, que sont les biens mal acquis algériens en France, parcs immobiliers et avoirs financiers. Elle n’a pas encore mis sur orbite l’annulation du fameux accord de 1968 sur l’immigration algérienne en France. Elle n’a pas encore activé de manière solennelle la solidarité européenne pour sanctionner le régime algérien. Sans parler des mesures draconiennes à prendre sur deux domaines extrêmement sensibles pour la relation entre Alger et Paris que sont le domaine des visas et celui des transferts des flux financiers entre les deux pays.
Quand Bruno Retailleau appelle Emmanuel Macron à engager un rapport de force à l’égard du régime algérien, il l’invite à puiser dans cet arsenal de mesures pour faire comprendre à Alger que la France est décidée à traiter avec détermination cette crise algérienne.
Devant ce qui ressemble à une impasse où les choix de sortie sont très limités, Emmanuel Macron affronte une des pires épreuves de ses deux mandats. Faire le dos rond avec Alger avec ce que cela implique comme effets politiques en France où la question algérienne demeure très abrasive. Ou engager le rapport de force avec le régime algérien au risque d’y provoquer un tremblement de terre aux conséquences inconnues.
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