Après le Mali, le Niger et le Burkina Faso, le Tchad a annoncé la semaine dernière mettre fin aux accords militaires qui le lient à Paris depuis 1960. N’Djaména dit vouloir “réorienter” ce partenariat sur d’autres domaines. Au même moment, le Sénégal remet aussi en question la présence de quelques 350 soldats français sur son territoire.
Avec une telle annonce, le retrait français du Sahel tourne complètement la page de ce que certains appelaient la France-Afrique.
In fine, il n’y a pas plus de déterminisme stratégique qu’en politique : une opération peut être un succès ou un échec pour une série de raisons. S’engager, c’est aussi faire le pari que l’on peut stabiliser une situation et ce pari peut être gagnant comme perdant.
Le déterminisme de la France à intervenir militairement au Mali en 2013 pour chasser les terroristes qui menaçaient Bamako a été tout sauf de stabiliser le Mali et le Sahel de façon générale. Au contraire, cette intervention a permis à la France de renforcer sa présence militaire sur l’ensemble des pays sahéliens et ses environs avec la création d’autres bases militaires françaises.
Depuis le clash entre Paris et Bamako, qui a entrainé le départ de la force Barkhane du Mali, la France s’était promise de revoir complètement sa stratégie militaire sur le continent en inventant un nouveau modèle de partenariat reposant sur une réduction de ses effectifs militaires déployés et sur une augmentation de l’offre de formation, d’accompagnement et d’équipements.
C’est dans cette perspective de réduction de ses militaires que le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot s’est rendu la semaine dernière à N’Djaména pour discuter des modalités de réduction de quelques 1000 soldats français stationnés au Tchad.
Mais la visite du chef de la diplomatie française a viré au vinaigre. A peine sa sortie d’audience avec le président tchadien, dans un communiqué laconique, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah a annoncé la fin des accords militaires qui lient le Tchad à Paris depuis 1960.
Cette annonce n’a pas surpris certains spécialistes et experts en sécurité et lutte contre le terrorisme au regard de la cartographie géopolitique et géostratégique qui domine les relations internationales.
Depuis que le Tchad s’est rapproché de Moscou, les relations entre Macron et Deby fils sont devenues tumultueuses. Pour montrer son mécontentement de ce rapprochement, le parquet national financier de la France a accusé Mahamat Deby de détournement de fonds publics et recel concernant ses dépenses vestimentaires. Cette affaire a créé un véritable tollé diplomatique entre les deux Etats.
A l’issue d’une attaque terroriste dans zone du Lac Tchad qui a valu la descente de Mahamat Deby sur le terrain, le Tchad a sollicité l’appui des forces françaises qui sont déployées pour appuyer les forces armées tchadiennes dans leur lutte contre les groupes armés, mais la France refuse cette fois-ci toute intervention de sa part pour épauler les militaires tchadiens.
Les propos jugés “arrogants” du ministre français des Affaires étrangères, notamment ses accusations de soutien aux rebelles soudanais et son exigence de reporter les élections législatives tchadiennes prévues le 29 décembre ont suscité davantage la colère du président tchadien, Mahamat Idriss Deby Itno.
En tout cas, cette annonce des autorités tchadiennes a créé un véritable séisme à l’Elysée et au Quai d’Orsay. Parce que c’est tout l’agenda sahélien d’Emmanuel Macron qui vient littéralement de partir en fumée si on peut le dire ainsi. Car, la France a toujours considéré le Tchad comme sa place forte en Afrique, en y déployant même un porte-avions au milieu du désert tchadien et 1000 soldats dans le cadre de l’opération limousin.
Dans la foulée de cette annonce tchadienne, le Sénégal a aussi remis en question la présence des 350 soldats français sur son territoire. Le président sénégalais assure qu’il mettra tout en œuvre pour acter le départ de l’armée française sur son sol.
Les opposants accusent Macron de mépriser les dirigeants africains et les Français, entraînant l’effondrement de la politique africaine de la France.
Néanmoins, la présence militaire française dans son ex-pré carré africain va se réduire comme une peau de chagrin.
Ousmane Mahamane