« Seafood 4 Africa 2024 » : La pêche comme vecteur de coopération africaine [INTÉGRAL]

La ville de Dakhla accueille, du 4 au 6 décembre, le forum africain de l’industrie de la pêche et de l’aquaculture "Seafood 4 Africa 2024", qui vise à promouvoir une coopération halieutique durable en Afrique, en mettant l’accent sur l’économie bleue. Organisé par la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation du Poisson (FENIP), en partenariat avec les ministères de l’Agriculture et de l’Industrie, cet événement est l’occasion de rassembler les perspectives et recommandations d’experts, ministres et acteurs économiques nationaux et internationaux sur  la valorisation des produits de la mer dans le cadre de la durabilité, dans son sens large, par l’innovation, la bonne gouvernance, l’accélération du commerce intra-africain, le développement de l’aquaculture et la décarbonation. Dans son allocution d’ouverture, Hassan Sentissi El Idrissi, Président de la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des

« Seafood 4 Africa 2024 » : La pêche comme vecteur de coopération africaine [INTÉGRAL]
   lopinion.ma
La ville de Dakhla accueille, du 4 au 6 décembre, le forum africain de l’industrie de la pêche et de l’aquaculture "Seafood 4 Africa 2024", qui vise à promouvoir une coopération halieutique durable en Afrique, en mettant l’accent sur l’économie bleue. Organisé par la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation du Poisson (FENIP), en partenariat avec les ministères de l’Agriculture et de l’Industrie, cet événement est l’occasion de rassembler les perspectives et recommandations d’experts, ministres et acteurs économiques nationaux et internationaux sur  la valorisation des produits de la mer dans le cadre de la durabilité, dans son sens large, par l’innovation, la bonne gouvernance, l’accélération du commerce intra-africain, le développement de l’aquaculture et la décarbonation. Dans son allocution d’ouverture, Hassan Sentissi El Idrissi, Président de la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP), a précisé d’emblée que les ressources halieutiques au Maroc et dans toute la région sont plus que jamais «sous pression». Les effets combinés de la surexploitation, du changement climatique et de la pollution menacent la pérennité de ces ressources, s’est-il désolé, notant que «si nous n’agissons pas aujourd’hui, demain sera trop tard». Cela nous impose d’adopter une gestion stricte et durable de la pêche, mais aussi d’explorer des alternatives innovantes et résilientes, a ajouté Sentissi, qui n’a pas manqué de souligner que le Maroc, grâce à sa Stratégie Halieutis, lancée par Sa Majesté le Roi, a prouvé qu’il est possible de transformer un secteur tout en respectant les écosystèmes. «Nous partageons volontiers cette expérience avec nos frères africains, dans l’esprit du partenariat Sud-Sud», a déclaré le patron de la FENIP, ajoutant que l’Afrique regorge de talents, d’idées et de ressources qui permettront à l’économie bleue de devenir un levier de prospérité partagée. Vers un modèle intra-africain Tout en confortant les propos de Sentissi, Abdelmalek Faraj, directeur général de l’Institut National de Recherche Halieutique (INRH), a souligné que le Maroc s’est fortement engagé dans le développement du secteur des pêches et de l'aquaculture, à travers l'appui de la recherche halieutique. Il a précisé que son établissement a contribué amplement au développement du secteur de la pêche et au déploiement des plans d’aménagement des pêcheries. «Le secteur halieutique a la capacité d'être la locomotive du développement de l'économie bleue en Afrique», a fait remarquer Faraj, soulignant la nécessité de conjuguer les efforts des différentes parties prenantes du secteur pour une exploitation durable des ressources halieutiques. Ryad Mezzour, ministre de l'Industrie et du Commerce, qui prenait part à ce forum, a noté l’impératif de partager avec les pays frères africains une vision commune pour le développement des économies liées au secteur halieutique, afin de renforcer le commerce intra-africain des produits de la mer et de l'aquaculture, des produits valorisés et des ressources préservées. Il a, par ailleurs, relevé que le port de Dakhla Atlantique, associé à une infrastructure logistique et industrielle de pointe, viendra renforcer le positionnement de Dakhla en tant que hub économique et porte d'entrée vers l’Afrique.  Dans ce même sillage, le Secrétaire général au Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, chargé de la Pêche maritime, a souligné la nécessité de développer des chaînes de valeur régionales, stimuler les investissements dans des secteurs tels que l’aquaculture, et promouvoir le commerce intra-africain des produits de la mer. Il a noté que la consolidation du secteur revêt une importance cruciale pour l’Afrique, un continent dont les immenses ressources marines et côtières représentent un potentiel considérable pour le développement économique, la création d’emplois et, surtout, pour répondre aux défis croissants de la sécurité alimentaire.  Le président du Conseil de la région de Dakhla-Oued Eddahab, Yanja El Khattat, a expliqué que c’est pour garantir ce modèle intra-africain que le Maroc a pris des initiatives de coopération Sud-Sud, signant des partenariats stratégiques pour soutenir l'industrialisation et la modernisation du secteur de la pêche et de l'aquaculture sur tout le continent. Revenant sur les propos de Mezzour sur le port de Dakhla Atlantique, El Khattat a ajouté que ce projet est un véritable fleuron de la région et qu’il jouera un rôle clé dans le développement de l’industrie de la pêche et de l’aquaculture, tout en constituant une porte d’entrée stratégique pour les échanges commerciaux entre l'Afrique, l'Europe et l'Amérique. Avec l’ambition de développer ce modèle d’économie bleue prometteuse, durable et rentable, les efforts à conjuguer et à multiplier durant les prochaines années seront aussi vitaux que déterminants. Si les engagements nationaux et les stratégies sectorielles concernées s’orientent déjà vers l’objectif de valorisation durable des ressources halieutiques, la «vitesse de croisière» requiert le respect de certains cahiers des charges. «La surexploitation doit être évitée, notamment à travers le respect des périodes de repos biologique qui peut augmenter les chances d’une bonne régénération des stocks», tranche Mustapha Aksissou, Professeur de biologie marine à l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, ajoutant qu’il est également impératif de lutter contre les causes de la propagation des espèces invasives. Aussi, des solutions efficaces à la pollution devraient être mises en œuvre afin de favoriser le repeuplement des milieux naturels. Enfin, la mobilisation des pays à l’échelle internationale contre les impacts des changements climatiques sera déterminante pour préserver l’intégrité des écosystèmes marins et les stocks halieutiques.   Souhail AMRABI 3 questions à Abdelmalek Faraj, Directeur Général de l’INRH : «Le secteur halieutique devrait produire plus en pêchant moins et en protégeant plus» Comment percevez-vous l’évolution de la recherche halieutique au Maroc en termes d’opportunités, de défis à relever et d’enjeux stratégiques pour les années à venir ?  Les enjeux de la sécurité alimentaire et du développement économique durable sont des questions critiques pour notre pays. Dans ce sens, le secteur économique halieutique pourrait jouer un rôle majeur en tant que moteur pour l’émergence de l’économie bleue. A travers son développement qui passerait par la transformation de l’ensemble de la chaîne de valeur de l’écosystème halieutique en cohérence avec les autres composantes de l’économie bleue, le secteur halieutique serait le propulseur d’un écosystème économique très dynamique à forte contribution de valeur ajoutée et d’emploi au bénéfice du pays. L’intégration de cette approche devrait se situer dans une vision africaine large visant à positionner le Maroc en tant que Hub halieutique régional. Les défis environnementaux et climatiques sont toutefois à prendre en considération très sérieusement et l’INRH y travaille depuis plusieurs années.   De quelle manière l’INRH intègre-t-il des technologies innovantes, telles que la télédétection et l’Intelligence Artificielle, pour optimiser ses recherches et renforcer son impact ?  La télédétection est utilisée en routine pour le suivi des paramètres océanographiques. Mais pour ce qui est de l’IA, nous n’en sommes qu’aux balbutiements et il reste beaucoup à faire. Il n’empêche que nous avons élaboré une stratégie que nous comptons mettre en œuvre progressivement, allant de l’intégration intelligente et automatique de la data, à la modélisation et aux systèmes prédictifs. Par ailleurs, nous expérimentons déjà à l’échelle de prototype des modèles de «smart fishing» qui demeurent encore en phase de tests.   Selon vous, à quoi ressemblera la pêche au Maroc dans les prochaines décennies, et quelles transformations seront nécessaires pour assurer un avenir durable à cette filière ?  L’INRH est mobilisé pour que le secteur halieutique se développe durablement et devienne un secteur économique prospère et un moteur de l’économie bleue. Il s’agira de travailler davantage et d’accompagner le secteur à «produire plus en pêchant moins et en protégeant plus». Dans cette vision, l’aquaculture, l’industrie de valorisation des produits de la mer, la construction navale et les nouvelles technologies sont des filières à très fort potentiel pour notre pays. Pêche : Pivot de la croissance nationale La pêche maritime marocaine génère une production annuelle d’environ 1,4 million de tonnes. Cette performance repose sur trois principaux contributeurs : 92% de la production proviennent de 2.500 bateaux de pêche côtière et de 17.000 barques artisanales, 6% sont assurés par une flotte hauturière composée de 465 navires, et 2% émanent d’autres activités de pêche. La production nationale issue de la pêche côtière et artisanale se répartit principalement entre deux grandes destinations. Une part importante, soit 60%, est dédiée à l’approvisionnement des 485 unités industrielles spécialisées dans la transformation des produits de la mer. Le reste, représentant 40%, est destiné au marché local pour la consommation de produits frais. L’industrie de traitement et de valorisation des produits de la mer occupe une place stratégique dans l’économie nationale. Elle offre une gamme variée de produits, incluant des conserves, des semi-conserves, des produits congelés, du poisson frais, ainsi que de la farine et de l’huile de poisson, renforçant ainsi son rôle essentiel dans la chaîne de valeur du secteur. Ce secteur représente 50% des exportations agroalimentaires du Maroc, contribuant ainsi à hauteur de 7% à 8% des exportations totales en valeur. FENIP : 5 revendications pour booster le secteur Lors de son mot d’ouverture, le Président de la FENIP, Hassan Sentissi, a listé cinq recommandations qui permettraient d’améliorer les performances du secteur halieutique.    La création d’une Bourse Halieutique Africaine, un projet structurant qui permettra de fluidifier les échanges et de maximiser la valeur ajoutée des produits de la mer à l’échelle continentale ;   La création d’un crédit maritime continental, avec une expertise du domaine de la pêche et de l’industrie de transformation des produits de la mer pour financer les innovations, soutenir les PME et startups, accompagner la transition vers des pratiques durables et encourager le commerce interafricain et international ;    La création et le développement d’une industrie africaine de fabrication des équipements maritimes, pour disposer des technologies et fabriquer localement les équipements indispensables à notre souveraineté à toutes les étapes de la chaîne de valeur ;   L’établissement de chantiers navals de nouvelle génération, qui combinent durabilité et efficacité énergétique, en phase avec les exigences climatiques actuelles ;   La création d’un centre de formation, d’excellence et de RD Africain pour accompagner l’essor et le développement de l’économie bleue africaine.  Le Maroc dispose déjà de centres qu’il faudra faire partager avec nos confrères dans toute l’Afrique.  «Ces initiatives ne sont pas de simples idées, mais des opportunités à saisir immédiatement», a insisté Sentissi, notant que pour réussir, elles nécessitent une volonté collective et un engagement sans faille.