Lors du Symposium de haut niveau sur la stabilité financière en Afrique, organisé par Bank Al-Maghrib, un panel s’est tenu sur le thème « Défis liés à la dette souveraine en Afrique et leurs implications pour la stabilité financière ». Dans un contexte marqué par des crises successives, les discussions ont mis en lumière les défis posés par l’augmentation des dettes publiques et ont exploré des pistes pour garantir une gestion durable et efficace.
Le continent africain fait face à une situation économique complexe depuis 2020, marquée par une série de chocs négatifs. La pandémie de Covid-19 a provoqué une contraction économique massive, obligeant les gouvernements à engager des dépenses extraordinaires pour atténuer les effets socio-économiques, tout en subissant une diminution significative des recettes fiscales. À peine remise de cette crise, l’économie mondiale a été frappée par la guerre russo-ukrainienne, qui a accentué les pressions inflationnistes en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en augmentant les coûts des matières premières. Ce double choc a contribué à une hausse rapide de la dette publique dans les pays africains, aggravée par des taux d’intérêt mondiaux élevés et une dépréciation des monnaies nationales. À la fin de 2023, selon la Banque mondiale, la dette extérieure totale du continent dépassait les 1 000 milliards de dollars, avec un service de la dette projeté à 163 milliards de dollars en 2024.
Les implications pour la stabilité financière
Les participants ont souligné que cette accumulation de dettes fragilise la stabilité financière du continent. Le gouverneur Édouard Normand-Hiddendalboum et l’économiste Richard de Ponceau ont mis en évidence que la dépendance accrue à l’endettement externe, souvent à des conditions commerciales moins avantageuses, nuit à la résilience économique et limite l’accès au financement international. Les dettes, lorsqu’elles sont mal gérées ou insuffisamment orientées vers des projets structurants, érodent également la solidité des institutions financières locales. Par ailleurs, une gestion inefficace des ressources fiscales et des dépenses publiques mal optimisées amplifient ces pressions.
Les causes de ces difficultés sont multiples. La mobilisation insuffisante des ressources domestiques, l’incapacité à diversifier les économies et la gestion inefficace des dépenses sont parmi les principaux obstacles. À cela s’ajoutent les contraintes liées aux emprunts à court terme et la difficulté d’accéder à des financements concessionnels.
Depuis 2020, des initiatives internationales, telles que l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) et le cadre commun du G20, ont cherché à alléger la pression financière pesant sur les pays africains. Ces mécanismes ont toutefois montré leurs limites face à la gravité et à la complexité de la situation. Par ailleurs, les experts présents au symposium, comme Daniel Ogubame, ont insisté sur la nécessité de renforcer la gouvernance économique au niveau national, en mettant en avant des stratégies pour optimiser la gestion des finances publiques et améliorer l’autonomie financière des États africains.
Les participants ont également évoqué l’importance d’initiatives plus structurelles et adaptées. Par exemple, la Banque africaine de développement (BAD) s’est engagée à accompagner les États dans leurs réformes économiques et à soutenir des projets d’investissement prioritaires. Ces efforts incluent la digitalisation des systèmes fiscaux et le développement d’instruments financiers innovants pour mieux structurer la dette souveraine.
Les propositions des panélistes
Richard de Ponceau a mis en évidence plusieurs leviers d’action pour réduire les risques liés à la dette souveraine. Selon lui, les pays africains doivent renforcer la mobilisation de leurs ressources fiscales en adoptant des politiques efficaces et en élargissant leur base fiscale. Il a également insisté sur l’importance de rationaliser les dépenses publiques, en priorisant les investissements dans des projets ayant un fort impact transformationnel. La structuration de la dette doit aussi être repensée pour passer d’emprunts commerciaux coûteux à des financements à long terme plus abordables. Par ailleurs, la résilience climatique et la diversification des sources de financement extérieur sont des priorités essentielles pour améliorer la viabilité économique du continent.
La Banque africaine de développement a démontré son engagement en soutenant les États à travers des programmes de réformes et des initiatives pour renforcer la mobilisation des ressources intérieures. Par exemple, la BAD a investi dans des projets de digitalisation fiscale et a travaillé avec plusieurs pays pour restructurer leurs dettes souveraines de manière plus durable. En outre, la Banque collabore actuellement à la création d’un mécanisme africain de responsabilité financière, conçu pour atténuer les risques financiers et promouvoir une gestion efficace de la dette souveraine.
Les discussions ont révélé un consensus sur l’importance de repenser la gouvernance des finances publiques en Afrique. La dette publique, lorsqu’elle est bien gérée et orientée vers des investissements stratégiques, peut devenir un levier de transformation économique et non un fardeau. Il est crucial de renforcer les cadres nationaux pour assurer une mobilisation optimale des ressources et une gestion rigoureuse des dépenses.
Selim Benabdelkhalek
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