Plusieurs missions diplomatiques sont arrivées, mardi, à Damas pour rencontrer les nouvelles autorités syriennes, dominées par des islamistes radicaux, qui s'emploient à rassurer les capitales étrangères sur leur capacité à pacifier la Syrie, dévastée par 13 ans de guerre civile.
Le chef de la coalition qui a pris le pouvoir en Syrie le 8 décembre s'est engagé à dissoudre et à intégrer dans l'armée les factions qui ont contribué à la chute de l'ex-président Bachar al-Assad, et a réclamé la levée des sanctions internationales. Les groupes combattants "seront dissous et leurs combattants préparés à rejoindre les rangs du ministère de la Défense, et tous seront sous le coup de la loi", a affirmé Abou Mohammad al-Jolani, le chef du groupe sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), à la tête de la coalition. Après un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad, les nouvelles autorités cherchent à rassurer, au moment où les capitales étrangères prennent contact avec leurs dirigeants, dont Abou Mohammad al-Jolani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmad al-Chareh. Une mission diplomatique française, la première depuis 12 ans, est arrivée mardi à Damas où le drapeau français a été hissé sur l'ambassade, fermée depuis 2012. "La France se prépare à être aux côtés des Syriens" durant la période de transition, a déclaré l'envoyé spécial pour la Syrie, Jean-François Guillaume. Des diplomates allemands vont également rencontrer mardi des représentants du gouvernement de transition. Une délégation britannique était arrivée lundi, l'Union européenne a annoncé l'envoi d'un représentant et les Etats-Unis ont établi des contacts avec HTS. Lâché par ses alliés, la Russie et l'Iran, Bachar al-Assad a fui pour Moscou quand les rebelles se sont emparés le 8 décembre de Damas, après une offensive éclair menée depuis le nord de la Syrie. L'ex-président a affirmé lundi qu'il n'avait fui qu'après la chute de Damas et qualifié de "terroristes" les nouveaux dirigeants du pays. Comment unifier un pays aux mains de factions divergentes Sa chute a été accueillie par des scènes de liesse, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, qui a fait un demi-million de morts et provoqué la fuite à l'étranger de six millions de personnes. Mais unifier le pays morcelé par des années de guerre, où sont présentes de nombreuses factions aux allégeances divergentes et de nombreuses minorités religieuses et ethniques, reste un défi pour HTS. Cette ex-branche syrienne d'Al-Qaïda affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classée comme une organisation terroriste par plusieurs capitales occidentales, dont Washington. L'ONU pense pouvoir fournir une aide "ambitieuse" à la Syrie, a déclaré mardi le chef des affaires humanitaires des Nations unies après une rencontre avec Abou Mohammad al-Jolani. "Moment d'espoir prudent en Syrie. Mes rencontres à Damas, y compris les discussions constructives avec le commandant de la nouvelle administration, M. Ahmad al-Chareh, sont encourageantes. Nous disposons d'une base pour un renforcement ambitieux de l'aide humanitaire vitale", a indiqué Tom Fletcher sur X. Alors que Bachar al-Assad se posait en protecteur des minorités dans un pays à majorité sunnite, plusieurs pays et organisations, tout en saluant sa chute, disent attendre de voir comment les nouvelles autorités vont traiter les minorités. Nécessité d’un contrat social entre l'Etat et l'ensemble des confessions "La Syrie doit rester unie, et il faut qu'il y ait un contrat social entre l'Etat et l'ensemble des confessions pour garantir une justice sociale", a assuré Ahmad al-Chareh en rencontrant lundi des membres de la communauté druze, branche de l'islam chiite, estimée à environ 3% de la population d'avant-guerre. Devant une délégation de diplomates britanniques, le nouvel homme fort de la Syrie a "évoqué l'importance de rétablir les relations" avec Londres et "souligné la nécessité de lever toutes les sanctions imposées à la Syrie afin de permettre le retour des réfugiés". Dans un entretien avec l'AFP, Riad Assaad, un chef rebelle, a défendu l'idée d'une Syrie qui aurait de "bonnes relations avec tous les pays du monde". Ancien colonel fondateur de l'Armée syrienne libre (ASL), composée de militaires dissidents, il a réclamé que les membres du gouvernement évincé répondent devant la justice des crimes commis: "Notre objectif c'est le pardon et la réconciliation, mais il doit y avoir une justice transitoire pour qu'il n'y ait pas d'actes de vengeance".
L'ONU prévoit le retour d'un million de réfugiés
L'ONU a estimé mardi qu'un million de réfugiés syriens pourraient rentrer au pays entre janvier et juin 2025, suite à l'éviction de Bachar al-Assad. "Nous prévoyons désormais (...) de voir revenir environ un million de Syriens entre janvier et juin de l'année prochaine", a déclaré Rema Jamous Imseis, directrice du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord, lors d'un point de presse à Genève. Par ailleurs, L'Union européenne est "prête" à rouvrir son ambassade à Damas, a annoncé mardi la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas, un peu plus d'une semaine après la chute de Bachar al-Assad. "Nous sommes prêts à rouvrir notre délégation, qui est l'ambassade européenne, et nous voulons qu'elle soit de nouveau pleinement opérationnelle", a déclaré Mme Kallas devant le Parlement européen à Strasbourg. "Nous ne pouvons laisser un vide en Syrie. L'UE doit être présente", a-t-elle ajouté sur X, précisant que le bloc avait déjà entamé, "avec prudence", un dialogue avec le nouveau pouvoir en Syrie et avec la société civile. Ursula von der Leyen ajoute que l’UE doit "intensifier" sa relation avec le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) au pouvoir en Syrie depuis l'éviction de Bachar al-Assad, a déclaré mardi la présidente de la Commission européenne, "Nous devons maintenant intensifier notre engagement direct avec HTS et d'autres factions", a-t-elle déclaré à l'issue d'un entretien avec le président turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara, jugeant par ailleurs que l'UE et ses alliés ne "peuvent pas permettre" la "résurgence" du groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie.