À la faveur d’un meeting organisé le samedi, 16 novembre 2024, par la tendance M5-RFP qui lui est favorable, le Premier ministre de la transition, Dr Choguel Kokalla, a tenu des propos virulents à l’endroit de ses employeurs en kaki. Des propos qui entrent dans le cadre de ce qu’il a appelé la clarification.
Après avoir lâché ses factotums (Boubacar Karamoko Traoré, président intérimaire de la tendance M5-RFP qui lui est soumise, Abdel Kader Maïga, un de ses anciens conseillers à la primature, et les nombreux videomen) sur le Général d’armée Assimi Goïta et ses frère d’armes et n’ayant pas atteint ce qu’il recherche, le premier ministre a finalement pris la parole pour dénoncer ce qu’il appelle sa mise à l’écart, depuis deux ans, dans la prise de grandes décisions affectant la vie de la nation. En prenant cette initiative, l’homme qui croit être un grand stratège politique veut atteindre, certainement, certains objectifs.
Prouver à ses employeurs qu’il compte afin de rester à son poste
En organisant un meeting de ce genre à coup de dizaines de millions de FCFA, le président de l’agonissant Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR) veut prouver à ses employeurs qu’il a encore les moyens de mobiliser le peuple à l’instar des grandes mobilisations populaires du M5-RFP avant la chute du régime de feu Ibrahim Boubacar Keïta. En d’autres termes, c’est un message fort destiné à ses employeurs qui est le suivant : si vous me laissez tomber, je peux mettre le peuple sur votre dos.
Selon nos sources, ses employeurs l’auraient annoncé sa date de départ du poste de premier ministre. Ce qu’il n’a jamais voulu entendre et qu’il ne veut jamais entendre.
S’approprier des réussites et se déresponsabiliser des échecs de la transition
Dans son adresse de plus d’une heure de temps, il a égrené les différentes réussites de la transition en se les appropriant avec fierté comme s’il est le seul capable d’inventer la roue. Au tire des réussites, il a évoqué les différents succès militaires dont le plus important est la reprise de la ville de Kidal, la tenue des assises nationales de la refondation, la mobilisation populaire du 14 janvier en réaction aux sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali, le retrait du territoire national des troupes françaises, européennes et de la MINUSMA. Il n’a pas oublié d’évoquer fièrement son discours historique tenu à la tribune des nations unies. Et bien d’autres futilités.
Par contre, il n’a pas évoqué les sujets cruciaux tels que la vie chère, la situation économique et financière et surtout la question énergétique. Par rapport à cette question, il a toujours affirmé qu’il n’est au courant de rien et que c’est le président de la transition en personne qui s’en occupe. Quel type de Premier ministre, le Mali a-t-il eu !
Adopter une posture victimaire dans l’espoir de conquérir la sympathie des maliens
Au cours de son meeting, il a ouvertement affirmé qu’il a été mis à l’écart de la prise de grandes décisions. ” Tout se passe dans l’opacité à l’insu du premier ministre” a-t-il soutenu. Il dit n’être informé que par les rumeurs de la presse. Une façon de dire que même la presse malienne ne donne pas la vraie information. Il va plus loin en affirmant que c’est à travers une interprétation hasardeuse des faits et gestes du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation qu’il est informé des grandes décisions prises. Quel manque d’égards au Général de division Abdoulaye Maïga que Choguel n’arrive même pas à lui reconnaître son titre de ministre d’État et de porte-parole du gouvernement. Il dit aussi ne pas être au courant de ce qui se passe à l’AIGE (Autorité indépendante de gestion des élections) malgré qu’il ait un représentant attitré qui a été son chef de cabinet. Est plus sourd que le sourd celui qui ne veut pas du tout entendre. En outre, il prétend que les élections ont été reportées à son insu. “La durée officielle de la Transition, fixée à 24 mois par décret, a expiré le 26 mars 2024. Depuis, aucun cadre légal ou débat public n’a été instauré pour justifier son prolongement. Cette situation sape les bases même de la souveraineté populaire”. « Il est temps que le peuple malien sache où nous allons. Ce silence organisé est une menace pour la stabilité du pays, » a-t-il averti.
Le ridicule ne tue plus. C’est Choguel lui-même, qui a soutenu que la fin de la transition est constatée seulement après la mise en place des nouvelles institutions démocratiquement élues. En se désolidarisant ainsi de ces échecs, s’ils en sont, Choguel veut séduire la classe politique qu’il a combattue et le peuple au cas où il quitterait son poste de Premier ministre. Donc, c’est pour un instinct de survie politique qu’il adopte une position victimaire qui a beaucoup servi feu IBK (Ibrahima Boubacar Keita) lorsque celui-ci étant Premier ministre a été jeté en pâture par le Président Alpha Oumar Konaré.
L’adoption de cette posture victimaire par Choguel n’est pas une première. Plusieurs maliens peuvent en témoigner. C’est le cas de Seydou Cissouma, ancien conseiller à la communication et ancien Directeur de cabinet de feu le président Amadou Toumani Touré (ATT). C’était en réaction au passage du contenu du livre “Le Mali, ma vie” de Choguel.
Dans ce passage, Choguel a tenu, par rapport à ATT, les propos suivants : «Pourtant, réélu, Amadou Toumani Touré m’a relégué dans un garage, le CRT, que j’ai réussi à transformer en une institution qui est enviée par ses homologues de la sous-région, l’AMRTP. J’ai prolongé la réhabilitation du CRT en créant, après l’AMRTP, l’AGEFAU ». Et Cissouma de répliquer en ces termes : ” Depuis quand un Directeur général décide-t-il la mutation d’un Comité de régulation des télécommunications en Agence de régulation et cela sous le magistère d’un chef de l’Etat qui a décidé de lui mener la “vie dure”. La création de l’AMRTP tient trivialement à la mise en œuvre des diligences de la libéralisation du secteur des télécommunications, datant déjà de l’exercice du Président Alpha Oumar Konaré. L’environnement concurrentiel à naître avait besoin d’un arbitre doté de plus de pouvoirs et de capacités. Il n’est pas superflu de rappeler que la propension de l’auteur à s’attribuer un rôle pionnier ou modèle dans la régulation ne résiste pas à l’analyse. L’ARTP au Sénégal a été créée en 2006, l’ARCEP du Burkina Faso en 2008, soit respectivement 5 et 3 ans avant la naissance de l’AMRTP en 2011, notre orgueil dût-il en souffrir”. En somme, Cissouma traite Choguel d’adopter une posture victimaire.
Au regard de tout ceci, l’on peut dire que Choguel Maiga est un passager clandestin qui avait pensé instrumentaliser les militaires alors qu’il ne pèse rien politiquement et démocratiquement sinon qu’à servir de faire valoir politique et idéologique. Le réveil a toujours été brutal pour les hommes politiques qui ont pensé utiliser les militaires comme voiture bélier sur le plan politique.
En réalité, le comportement de Choguel relève purement et simplement du narcissisme, car les narcissiques sont des personnes qui n’ont de l’admiration que pour eux-mêmes. Ils n’écoutent pas. Ils trouvent des excuses et accusent. Ils alimentent une fiction. Ils se font passer pour des victimes. Ils s’accrochent à une histoire. Tout reste toujours superficiel. Ils cherchent quelqu’un à blâmer pour leurs erreurs, ce qui rend les échanges avec eux si épuisants et déroutants. Ils ne cherchent pas de solutions. Ils cherchent à éviter la honte en jouant avec la réalité pour éviter d’assumer leurs responsabilités et sauvegarder leur image. C’est tout. Ça s’arrête là. Ce n’est jamais une question de vérité. C’est une question d’égo.
Cyrille Coulibaly