Sahara, berceau de l’Etat-Nation marocain (2/3)

Cinq ans après son accession au Trône alaouite, en 1679, le Sultan Moulay Ismaïl mène une grande Mehalla au Sahara marocain, à partir duquel il relance, en mobilisant les tribus sahariennes, la politique sahélienne et africaine de l’Empire chérifien. Réunification : Les régions sahariennes constituent un chaînon décisif dans la projection et la mise en […]

Sahara, berceau de l’Etat-Nation marocain (2/3)
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Cinq ans après son accession au Trône alaouite, en 1679, le Sultan Moulay Ismaïl mène une grande Mehalla au Sahara marocain, à partir duquel il relance, en mobilisant les tribus sahariennes, la politique sahélienne et africaine de l’Empire chérifien. Réunification : Les régions sahariennes constituent un chaînon décisif dans la projection et la mise en œuvre du déploiement géostratégique de l’Etat alaouite, notamment lorsqu’il s’agit de défendre l’intégrité territoriale du pays ou de réhabiliter sa profondeur sahélienne et africaine. Sidi Mohammed Biedallah Diplomate marocain. Les Saâdiens, rôle géostratégique du Sahara dans l’Empire chérifien L’arrivée des Saâdiens au pouvoir, qui intervient dans le contexte de la grande crise du XVe siècle, marquée par la pression des puissances européennes sur les côtes marocaines et la soumission du reste du Maghreb à l’emprise ottomane, s’accompagne de «la floraison des Saints de la Saqiya al-Hamrâ» – selon l’expression de Pierre Bonte -, fondateurs éponymes des grandes tribus du Sahara marocain. Le rôle prépondérant joué par le Sahara marocain au sein de l’État Saâdien se dénote dans sa forte participation, aussi bien dans la vie politique et économique que dans le domaine militaire de l’Empire chérifien. Les tribus sahariennes ont pris part à la résistance aux incursions ibériques dans les côtes atlantiques marocaines. La tour Santa Cruz del Mar Pequeña, construite par l’Espagne en 1476, a été récupérée et détruite en 1524. Le fort de Santa Cruz de Cabo de Gué (Agadir), édifié par les Portugais en 1505, fut repris par les Saâdiens en 1541. La résistance marocaine initiée dans ses régions méridionales, dirigée par les Sultans Saâdiens, culmine en apothéose avec la «Bataille des Trois Rois» de 1578, dont la portée militaire et politique, mais surtout symbolique, conduit à la réunification des Marocains, du sud au nord, autour de l’avènement de l’Empire chérifien. Le Grand Voyageur cosmopolite Hassan El Ouazzane, Jean Léon l’Africain, qui a fait partie, en 1513, de la Mahalla du «Prince Chérif», Mohamed Cheikh, Gouverneur du Sûs et futur Sultan, vers Tagawost (l’actuelle Ksabi, à l’ouest de Guelmim); un port caravanier, – cité dès 1270 par le Géographe Ibn Saïd, qui le qualifie de chef-lieu des Gezulas Sanhaja -, décrit «une grande ville, la plus importante qu’on trouve au Sûs (extrême). Elle fait huit mille feux (environ 40.000 habitants).» L’historien Luis del Mármol Carvajal (1520 – 1600), qui a passé 22 ans en Afrique du nord, dont huit ans en tant que captif des Saâdiens, rapporte, dans la préface de «la Description générale de l’Afrique », sa participation à l’une des Mahallas effectuées par le Sultan Mohamed Cheikh au Sahara, marquée par son campement à Saqiya el- Hamrâ (Acequia Al – Hamara). Marmol Carvajal remarque que les tribus du Sahara contribuent par un important contingent dans l’armée saâdienne, parmi lesquelles, les Rehamna de Beni Ma’qil, forts de leurs 10.000 hommes, dont 700 chevaliers. D’ailleurs, l’historiographe portugais Valentim Fernandes (Moravieh, 1450 – Lisbonne, 1519) signale, dans la «Description de la côte d’Afrique de Ceuta au Sénégal» que la tribu Rehmna était la plus puissante et la plus nombreuse des tribus Beni Hassan du Sahara atlantique. À cet égard, Dr. Essadiki Abderrazzak souligne dans «Les Rehamna depuis leur installation au Sahara jusqu’à 1862» que le Sultan Mohamed Cheikh a «récompensé» les Rehāmna à travers leur réinstallation dans la zone fertile de Tamesna; un territoire que la mémoire populaire étendait de Tensift à Moulouya. L’historien polonais Andrzej Dziubinsky estime, dans «L’armée marocaine et la flotte de guerre marocaine au temps de la dynastie Saadienne», publié dans Hespéris-Tamuda en 1972, que le contingent de «la région du sud, Sûs et Oued Drâa (y compris le Sahara marocain)» atteint 15.000 hommes sur un effectif total de 63.500 de l’armée du Sultan Mohamed Cheikh. Dynastie Alaouite, la politique saharienne comme fondement de la politique de l’État Moulay Ali Cherif, fondateur de la dynastie chérifienne alaouite de Tafilalet, descendant du prophète Sidna Mohammed, est investi en tant que Souverain alaouite, suite à l’acte de la Bay’a des tribus du Sahara, à Sijilmassa, en 1630. Les régions sahariennes constituent un chaînon décisif dans la projection et la mise en œuvre du déploiement géostratégique de l’Etat alaouite, notamment lorsqu’il s’agit de défendre l’intégrité territoriale du pays ou de réhabiliter sa profondeur sahélienne et africaine. Le Sultan Moulay Ismaïl (Sijilmassa, 1645 – Meknès, 1727), qui a régné pendant 55 ans, arbore le titre d’Empereur des deux Royaumes, le Royaume de Fès, Tafilalet et Marrakech, et le Royaume des deux Sahara, c’est-à-dire le Sahara occidental et le Sahara oriental. Le Sultan alaouite façonne une nouvelle destinée à la politique saharienne, fondée sur l’implication forte des tribus sahariennes, conformément aux préceptes de la Bay’a, dans l’exercice effectif et direct de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Moulay Ismaïl s’appuie, dans la mise en œuvre de la politique sahélienne et africaine de l’Empire chérifien, sur les tribus sahariennes, notamment les Arusiyin, Awlâd Bousba’a, Awlâd D’laym, … dont des fractions entières sont réinstallées, sous le regard bienveillant du Sultan chérifien, dans les villes impériales de Meknès, Fès et Marrakech. Cinq ans après son accession au Trône alaouite, en 1679, le Sultan Moulay Ismaïl mène une grande Mehalla au Sahara marocain, à partir duquel il relance, en mobilisant les tribus sahariennes, la politique sahélienne et africaine de l’Empire chérifien (A. Pazzanita et T. Hodges. Dictionnaire de l’Historique du Sahara occidental, Ed. 1994). La pratique des Mahallas/Harkas, ce «pouvoir ambulant», explicitée par Jocelyne Dakhlia dans «la symbolique du pouvoir itinérant au Maghreb», publiée dans les Annales ESC, 1988, se convertit en l’outil privilégié des Sultans alaouites dans l’exercice effectif de leur souveraineté sur les régions stratégiques et lointaines, en particulier le Sahara marocain. Le Sultan Moulay Ismaïl ne reste pas, durant les vingt-quatre premières années de règne, plus d’une année entière dans son palais impérial, alors que Moulay Hassan Ier (1873 -1894) conduit 17 mahallas. Le proverbe dit que «le trône des Sultans alaouites est sur la selle de leurs chevaux». Le Sultan Moulay Abdallah, de mère saharienne, la Princesse Khnatha ment Bakkar Al- Maghfaria, n’a épargné aucun effort, dans une période marquée par l’instabilité chronique et les multiples défis extérieurs, pour maintenir la politique africaine chérifienne. Thomas Pellow, captif et chef du contingent militaire des «Renégats», la Légion étrangère, relate dans «Histoire de la longue captivité et aventures de Thomas Pellow au Sud-Berbérie», éditée en 1750, la Harka sultanienne de 1731, étalée sur 23 étapes entre Meknès et «Seguiet el-Hamra», qui, à l’aller, longe la côte atlantique, alors qu’au retour, il reprend le fameux Triq Lamtouni, aux sources de la Saqia el- Hamrâ. La Bai’a des Chouyoukhs et Qâdis des tribus sahariennes aux Sultans et Rois alaouites Le Fqih – Érudit des Arousiyin Sidi Sellem prête, en 1785, la Bay’a au Sultan Sidi Mohammed Ibn Abdellah (1759-1790), à l’occasion de la remise des captifs naufragés dans les eaux sahariennes. ( Histoire du naufrage et de la captivité de Monsieur Brisson en 1785. Avec la description des déserts d’Afrique depuis le Sénégal jusqu’au Maroc». Pierre-Raymond Brisson. Genève. 1789, p.141-142.) Le Qâdi (Érudit – Juge coutumier) des Rgueibat, Haj Al-Bachir ibn Abd Al-Hay Al-Berbouchi, se rend à Marrakech pour prêter la Bai’a au Sultan Sidi Mohammed Ibn Abderrahmane (1859-1873), afin de soumettre à Amir Al Mouminine, autorité judiciaire suprême, la requête des Rgueibat, -celle des Tajakant de Tindouf fut présentée par le Qâdi Mohamed Moukhtar ibn Laâmach-, sur la répartition des aires de pâturage du haut – Saqiya al- Hamrâ et de la Hamada de Tindouf.