Instauration du Nouvel An Amazigh jour férié officiel payé
Mohamed Nait Youssef
C’est l’heure du bilan. Un an après l’instauration du Nouvel An Amazigh ou Yennayer en tant que jour férié officiel payé, une décision royale largement saluée par toutes les composantes du paysage politique et associatif national, l’amazighe n’a pas connu d’avancées dans les programmes du gouvernement actuel, mais plutôt une régression au niveau des acquis. Une situation alarmante qui interpelle à plus d’un titre.
Khadija Arouhal : « le gouvernement a donné un aspect folklorique à l’amazighe»
C’est un constat. Une année blanche. Un bilan décevant. C’est le moins qu’on puisse dire sur la situation actuelle de l’amazighe dans l’action de l’exécutif qui ne répond aux attentes et aspirations des acteurs amazighs. «Le gouvernement a donné un aspect folklorique à l’amazighe, au lieu de lui accorder la symbolique et la profondeur qu’il mérite. En revanche, nous espérons que le gouvernement accompagne la volonté royale et d’accélérer la cadence de la mise en œuvre l’amazighe loin des surenchères politiques.», nous déclare Khadija Arouhal, poétesse et militante.
Par ailleurs, malgré les promesses présentées par le gouvernement au début du mandat, l’amazighe n’a connu non seulement une stagnation, mais un recul sur tous les niveaux : enseignement, médias et vie publique.
En effet, ceux qui suivent les étapes de la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazighe, constatent, affirme la députée du Parti du progrès et du socialisme à la Chambre des représentants, que le bilan du gouvernement est faible, voire inexistant, jusqu’à présent.»
En réalité, ce gouvernement, poursuit-elle, n’a pas tenu ses promesses, car le fonds spécial d’un milliard de dirhams qu’il considère comme un atout pour l’amazighe n’a pas d’impact palpable sur la langue et la culture amazighes.
«Aujourd’hui, ce qui a été dit et programmé, comme grandes lignes du programme gouvernemental, n’a pas de retombées concrètes sur l’amazighe : la production amazighe, l’enseignement, les médias, l’administration et tous les domaines relatifs à l’amazighe.», a-t-elle expliqué.
L’amazighe est un mode de vie, une identité qui exige une véritable reconnaissance. Or, cette réalité ne fait pas l’unanimité.
«Ce qui a été dit on l’a pas vu dans la dynamique amazighe, mais plutôt le contraire parce qu’il y a beaucoup de régression dans les domaines de l’enseignement, des médias sans oublier le recul au niveau de la production des séries culturelles parce que l’amazighe n’a pas eu sa place qui lui revient notamment dans le cinéma, le théâtre, le livre, la musique.», a-t-elle fait savoir.
Pour Khadija Arouhal, ce soi-disant fonds que le gouvernement a créé n’a pas réussi à le mettre en œuvre. «On constate également que l’exécutif n’a pas de vision, de programmes réels et des plans d’action en ce qui concerne la mise en application de l’amazighe. Il y a juste des intentions envers l’amazighe au lieu d’une mise en œuvre.», a-t-elle rappelé.
L’amazighe, conclut-elle, a besoin de lois et de décrets pour garantir la mise en œuvre effective de son caractère officiel.
M’hamed Sallou : « Nous vivons une situation très alarmante !»
Pour M’hamed Sallou, professeur à l’INSAP, la présence de la composante amazighe dans la culture marocaine est essentielle. Or, dit-il, alors que la prise de conscience de cette composante, ainsi que de la civilisation et de la culture marocaines, s’accroît parmi les communautés d’académiciens, de scientifiques et de la société civile, notamment à travers les déclarations des artistes et des interculturels, de la société civile qui travaillent dans divers domaines, et alors que l’INSAP, par ses découvertes et trouvailles inédites, nous rappelle que le Maroc est un pôle de la civilisation humaine, on constate en même temps une régression décevante concernant les réalisations et les acquis de l’amazighe.
D’abord, poursuit-il, l’enseignement de l’amazighe a connu un recul inquiétant dans les écoles et les universités marocaines. La preuve : tous les rapports annuels des associations amazighes pointent la situation alarmante de la langue amazighe dans le secteur de l’enseignement.
«La position du PPS dans la discussion de cette question a montré l’incapacité du gouvernement à répondre aux revendications du mouvement amazighe. En outre, ce qui a été dit dans les discours de Sa Majesté, que ce soit dans le discours d’Ajdir ou celui du 9 mars 2011, à mis la composante amazighe au cœur de la culture marocaine. Cependant, cette reconnaissance ne se retrouve pas au niveau officiel, notamment dans l’enseignement et les médias (la chaîne Tamazight, par exemple, connaît une régression au niveau de la programmation et ne joue pas pleinement son rôle).
Par ailleurs, sur le plan institutionnel, explique-t-il, il n’y a pas de mise en œuvre des deux projets de loi adoptés et publiés dans le Bulletin officiel, à savoir : le projet de loi organique relatif à la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe, ainsi que le projet de loi organique relatif au Conseil national des langues et de la culture marocaine (CNLCM). Selon lui, la non-activation des partenariats signés par l’IRCAM avec de nombreuses institutions, visant à accompagner la mise en œuvre de l’amazighe, impactant négativement l’avancement du développement de l’amazighe.
«L’officialisation du Nouvel An amazighe en tant que jour férié national officiel payé aurait dû servir de motivation pour les autres institutions, mais cela n’a malheureusement pas été le cas, malgré les initiatives royales importantes qui ont posé les bases d’une politique culturelle claire et de la reconnaissance de l’amazighe, au centre de l’identité marocaine », conclut-il.
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